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Page:Platon - Œuvres complètes, Tome 2, trad Dacier et Grou, 1869.djvu/274

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heur de posséder si vite un tel bien, toi, Ménexène, qui as déjà inspiré à Lysis un attachement si vif et si précoce, et Lysis à son tour qui a fait ta conquête. Pour moi, je suis si loin de là, que je ne sais pas même comment un homme devient l’ami d’un autre. Voilà pourquoi je tiens à te le demander, à toi qui sais ce qu’il en est.

« Dis-moi donc, Ménexène, lorsqu’un homme en aime un autre, lequel des deux devient l’ami de l’autre ? Celui qui aime le devient-il de celui qui est aimé, ou l’homme qui est aimé le devient-il de celui qui aime, ou bien n’y a-t-il entre eux aucune différence ? — Aucune, à mes yeux, répondit-il. — Que veux-tu dire ? Tous les deux sont amis, quand l’un des deux seulement aime l’autre ? — Oui, ce me semble. — Mais ne peut-il pas arriver que l’homme qui en aime un autre ne soit pas payé de retour ? — Si vraiment. — Et même qu’il soit haï, comme ces amants qui s’imaginent, dit-on, être en horreur à leurs amours ? Combien parmi les plus tendres appréhendent de n’être pas aimés, combien d’être haïs ! n’est-il pas vrai, dis-moi ? — Très-vrai, dit-il. — Or, en pareil cas, l’un aime et l’autre est aimé ? — Oui. — Eh bien ! lequel des deux est l’ami ? Est-ce l’homme qui en aime un autre, qu’il soit ou non payé de retour, et même haï ? Est-ce l’homme qui est aimé ? ou bien n’est-ce ni l’un ni l’autre, lorsque tous deux ne s’aiment pas réciproquement ? — Ni l’un ni l’autre, ce me semble. — Mais alors nous avançons une opinion diamétralement opposée à la précédente ; car après avoir soutenu que si l’un des