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Page:Platon - Œuvres complètes, Tome 2, trad Dacier et Grou, 1869.djvu/275

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deux aimait l’autre, tous les deux étaient amis, nous disons maintenant qu’il n’y a point d’amis là où l’amitié n’est pas réciproque. — Nous courons risque de nous contredire, en effet. — Ainsi il n’est pas l’ami de quiconque l’aime, celui qui ne rend pas amitié pour amitié ? — Il ne paraît pas. — Et ils ne sont pas les amis des chevaux, ceux que les chevaux n’aiment pas en retour, pas plus qu’ils ne le sont des cailles, ou des chiens, ou du vin, ou du gymnase, ou même de la sagesse, à moins que la sagesse ne les aime à son tour. Sans cela, quoique chacun les aime, il n’est pas leur ami. Mais alors il a menti, le poëte qui a dit : « Heureux celui qui a pour amis ses enfants, avec des chevaux rapides à la course, des chiens pour la chasse, et un hôte en pays étranger[1]. » — Il ne me semble pas s’être trompé. — C’est-à-dire que tu tiens pour vrai ce qu’il a dit ? — Oui. — Dans ce cas, Ménexène, c’est celui qui est aimé qui est l’ami de quiconque l’aime, soit qu’il le paye de retour, soit même qu’il le haïsse, comme les enfants nouveau-nés qui ne ressentent aucune espèce d’affection, qui même haïssent leur père et leur mère quand on les corrige, et qui ne sont jamais plus mal disposés pour leurs parents qu’au moment où ils leur sont le plus chers, et plus chers que tout au monde ? — C’est bien là mon sentiment. — Donc, l’ami n’est pas celui qui aime, mais celui qui est aimé ? — Il me semble. — Par la même raison, l’en-

  1. Ce sont des vers de Solon, dont Socrate abuse à dessein, en étendant aux chevaux, aux chiens et à l’hôte le mot ami, qui, dans la phrase, ne s’applique qu’aux enfants.