Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres complètes, Tome 2, trad Dacier et Grou, 1869.djvu/281

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

peut en rien profiter du semblable[1]. Et même il soutenait tout cela avec beaucoup d’aisance, et dans un langage agréable. Qu’en pensez-vous tous deux ? — Pour moi, dit Ménexène, la thèse m’a l’air assez juste. — Nous dirons donc absolument que le contraire est l’ami du contraire ? — Oui. — Je le veux bien, Ménexène ; mais n’est-ce pas une opinion singulière ? Et ne vois-tu pas s’élever contre nous tout aussitôt ces adversaires ardents et habiles, qui vont nous demander si l’amitié n’est pas ce qu’il y a au monde de plus contraire à la haine ? Que leur répondrons-nous ? Ne sommes-nous pas forcés d’avouer qu’ils ont raison là-dessus ? — Nécessairement. — Ils nous diront alors : Est-ce que vraiment la haine est amie de l’amitié, ou l’amitié amie de la haine ? — Ni l’un ni l’autre, dit-il. — Et le juste est-il ami de l’injuste, le modéré du tempérant, le bon du mauvais ? — Je ne le crois pas. — Il me semble pourtant que si la dissemblance engendrait l’amitié, ce sont là des contraires qui devraient être amis. — Nécessairement. — Ainsi donc le semblable n’est pas l’ami du semblable, ni le contraire l’ami du contraire. — Il ne paraît pas.

« Tournons-nous alors d’un autre côté ; et puisque l’ami ne se rencontre dans aucun des principes que nous venons d’examiner, voyons si ce qui n’est ni bon ni mauvais ne serait pas par hasard l’ami de ce qui est bon. — Que veux-tu dire ? — Par Jupiter, je n’en sais trop rien, car j’éprouve une

  1. C’était l’opinion d’Héraclite. Voir Diog. Laert., IX, 1, 8.