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Page:Platon - Œuvres complètes, Tome 2, trad Dacier et Grou, 1869.djvu/282

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sorte de vertige devant l’incertitude de nos raisonnements. Je crois voir aussi, d’après l’ancien adage, que l’amitié réside peut-être dans la beauté[1]. Mais ce sont là comme des visions molles, légères et insaisissables, et voilà sans doute pourquoi nous avons tant de peine à les fixer. Enfin, je dis que le bon est beau. Et toi, qu’en penses-tu ? — Je le crois aussi. — Je dis encore, par divination, que ce qui n’est ni bon ni mauvais est ami du bon et du beau. Écoute d’ailleurs sur quoi je fonde ces conjectures. Il me semble qu’il existe trois genres : le bon d’une part, puis le mauvais, enfin ce qui n’est ni bon ni mauvais. Que t’en semble ? — Je le veux bien. — Il me semble aussi que d’après nos précédentes recherches le bon ne peut être l’ami du bon, ni le mauvais du mauvais, ni le bon du mauvais. Reste donc, pour que l’amitié soit possible entre deux genres, que ce qui n’est ni bon ni mauvais soit l’ami du bon ou de quelque chose d’approchant ; car, pour le mauvais, il ne peut jamais exciter l’amitié. — Cela est vrai. — Le semblable non plus, nous l’avons déjà dit, ne peut être l’ami de son semblable, n’est-ce pas ? — Oui. — Et ce qui n’est ni bon ni mauvais n’aimera pas ce qui lui ressemble ? — Il ne paraît pas. — Donc ce qui n’est ni bon ni mauvais ne peut rien aimer que le bon. — Nécessairement, ce me semble.

« Maintenant donc, mes enfants, m’écriai-je,

  1. « Ce qui est beau est aimé, ce qui n’est pas beau n’est pas aimé. » Théognis, vers 13.