Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/112

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d’avis aussi que le discours de Cébès te visait, toi qui te résignes si aisément à nous quitter, nous et les dieux, qui sont, tu en conviens toi-même, d’excellents maîtres.

— Vous avez raison, dit Socrate, car je pense que vous voulez dire que je dois répondre à ces objections et plaider ma cause comme devant un tribunal.

— C’est cela même, dit Simmias.

VIII. — Eh bien, allons, dit-il, essayons de nous défendre et de vous persuader mieux que je n’ai fait mes juges. Assurément, Simmias et Cébès, poursuivit-il, si je ne croyais pas trouver dans l’autre monde, d’abord d’autres dieux sages et bons, puis des hommes meilleurs que ceux d’ici, j’aurais tort de n’être pas fâché de mourir. Mais soyez sûrs que j’espère aller chez des hommes de bien ; ceci, je ne l’affirme pas positivement ; mais pour ce qui est d’y trouver des dieux qui sont d’excellents maîtres, sachez que, si l’on peut affirmer des choses de cette nature, je puis affirmer celle-ci positivement. Et voilà pourquoi je ne suis pas si fâché de mourir, pourquoi, au contraire, j’ai le ferme espoir qu’il y a quelque chose après la mort, quelque chose qui, d’après les vieilles croyances, est beaucoup meilleur pour les bons que pour les méchants.

— Quoi donc, Socrate, dit Simmias, as-tu en tête de partir en gardant cette pensée pour toi seul ? Ne veux-tu pas nous en faire part ? Il me semble que c’est un bien qui nous est commun à nous aussi, et du même coup, si tu nous convaincs de ce que tu dis, ta défense sera faite.

— Eh bien, je vais essayer, dit-il. Mais auparavant voyons ce que Criton semble vouloir me dire depuis un moment.

— Ce que je veux dire, Socrate, dit Criton, c’est tout simplement ce que me répète depuis un bon moment celui qui doit te donner le poison, de t’avertir qu’il faut causer le moins possible. Il prétend qu’on s’échauffe trop à causer et qu’il faut se garder de cela quand on prend le poison ; qu’autrement on est parfois forcé d’en prendre deux ou trois potions, si l’on s’échauffe ainsi.

— Laisse-le dire, répondit Socrate ; il n’a qu’à préparer sa drogue de manière à pouvoir m’en donner deux fois et même trois fois, s’il le faut.

— Je me doutais bien de ta réponse, dit Criton ; mais il n’a pas cessé de me tracasser.