Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/121

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— Pour ma part, en tout cas, dit Cébès, j’aurais plaisir à entendre ce que tu penses sur cette matière.

— Pour cette fois, dit Socrate, je ne pense pas que, si quelqu’un nous entendait à présent, fût-ce un poète comique, il pût dire que je bavarde et que je parle de choses qui ne me regardent pas. Si donc tu es de cet avis, il faut examiner à fond la question.

XV. — Pour l’examiner, demandons-nous si les âmes des hommes qui sont morts sont dans l’Hadès ou non. Une ancienne tradition, qui me revient en mémoire, veut que les âmes existent là-bas, où elles sont venues d’ici, et qu’elles reviennent ici et naissent des morts. Et s’il en est ainsi, si les vivants renaissent des morts, il faut en conclure que nos âmes sont là-bas ; car elles ne sauraient renaître, si elles n’existaient pas, et leur existence nous sera suffisamment prouvée, si nous voyons clairement que les vivants ne naissent que des morts. Si cela n’est pas, il nous faudra chercher une autre preuve.

— Parfaitement, dit Cébès.

— Maintenant, reprit Socrate, ne borne pas ton enquête aux hommes, si tu veux découvrir plus aisément la vérité ; étends-la à tous les animaux et aux plantes, bref à tout ce qui a naissance et voyons, en considérant tout cela, s’il est vrai qu’aucune chose ne saurait naître que de son contraire, quand elle a un contraire, comme par exemple le beau qui a pour contraire le laid, le juste, l’injuste, et ainsi de mille autres choses. Voyons donc si c’est une nécessité que tout ce qui a un contraire ne naisse d’aucune autre chose que de ce contraire, par exemple, s’il faut de toute nécessité, quand une chose devient plus grande, qu’elle ait été plus petite avant de devenir plus grande.

— Oui.

— Et si elle devient plus petite, qu’elle ait été plus grande pour devenir ensuite plus petite.

— C’est bien cela, dit-il.

— Et de même le plus faible vient du plus fort, et le plus vite du plus lent.

— Cela est certain.

— Et si une chose devient pire, n’est-ce pas de meilleure qu’elle était, et si elle devient plus juste, de plus injuste ?

— Sans doute.

— Alors, dit Socrate, nous tenons pour suffisamment