Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/123

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— Il faut, dit-il, avouer que c’est la vie.

— C’est donc des morts, Cébès, que naît ce qui a vie, choses et animaux ?

— Apparemment, dit-il.

— Dès lors, reprit Socrate, nos âmes existent dans l’Hadès ?

— Il semble.

— Or, des deux générations de ces contraires, il y en a une qui est facile à voir ; car il est certainement facile de voir que l’on meurt, n’est-ce pas ?

— Assurément, dit-il.

— Que ferons-nous donc ? reprit Socrate. À cette génération n’opposerons-nous pas la génération contraire, et la nature est-elle boiteuse de ce côté-là ? ou faut-il opposer à mourir une génération contraire ?

— Il le faut absolument, dit-il.

— Quelle est cette génération ?

— C’est revivre.

— Dès lors, reprit Socrate, si revivre existe, revivre, c’est une génération qui va des morts aux vivants ?

— Oui.

— Nous convenons donc par là aussi que les vivants naissent des morts, tout comme les morts des vivants. Cela étant, j’ai cru y trouver une preuve suffisante que les âmes des morts existent forcément quelque part, d’où elles reviennent à la vie.

— Il me semble, Socrate, repartit Cébès, que c’est une conséquence forcée des principes dont nous sommes tombés d’accord.

XVII. — J’ai de quoi te faire voir, Cébès, reprit Socrate, que nous n’avons pas eu tort non plus, à ce qu’il me semble, d’en tomber d’accord. Si en effet les naissances ne s’équilibraient pas d’un contraire à l’autre et tournaient pour ainsi dire en cercle, si au contraire elles se faisaient en ligne droite et uniquement d’un contraire à celui qui lui fait face, si elles ne revenaient pas vers l’autre et ne prenaient pas le sens inverse, tu te rends bien compte qu’à la fin toutes les choses auraient la même figure et tomberaient dans le même état et que la génération s’arrêterait.

— Comment dis-tu ? demanda-t-il.

— Il n’est pas du tout difficile, repartit Socrate, de comprendre ce que je dis. Si par exemple l’assoupissement existait seul, sans avoir pour lui faire équilibre le réveil