Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/128

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

— Ainsi donc, avant de commencer à voir, à entendre et à faire usage de nos autres sens, il faut que nous ayons pris connaissance de ce qu’est l’égalité en soi pour y rapporter les égalités que nous percevons par les sens et voir qu’elles aspirent toutes à être telles que cette égalité, mais lui sont inférieures.

— C’est une conséquence nécessaire de ce qui a été dit, Socrate.

— Donc, dès notre naissance, nous voyions, entendions et faisions usage des autres sens ?

— Certainement.

— Il faut donc, disons-nous, qu’avant cela nous ayons pris connaissance de l’égalité ?

— Oui.

— C’est donc, semble-t-il, avant notre naissance qu’il faut que nous l’ayons prise.

— Il le semble.

XX. — Conséquemment, si nous avons acquis cette connaissance avant de naître et si nous sommes nés avec elle, nous connaissions donc aussi avant de naître et en naissant non seulement l’égalité, le grand et le petit, mais encore toutes les notions de même nature ; car ce que nous disons ici ne s’applique pas plus à l’égalité qu’au beau en soi, au bon en soi, au juste, au saint et, je le répète, à tout ce que nous marquons du sceau de l’absolu, soit dans les questions, soit dans les réponses que suscite la discussion, de sorte qu’il faut nécessairement que nous ayons pris connaissance de toutes ces notions avant notre naissance.

— C’est vrai.

— Et si, après avoir pris cette connaissance, nous ne l’oubliions pas chaque fois, nous l’aurions toujours dès notre naissance et la garderions toujours pendant notre vie. Savoir en effet n’est pas autre chose que garder les connaissances une fois acquises et ne pas les perdre ; car ce que nous appelons oubli, n’est-ce pas, Simmias, la perte de la science ?

— C’est bien certainement cela, Socrate, dit-il.

— Mais si, je suppose, nous avons perdu en naissant les connaissances que nous avions acquises avant de naître, mais qu’en appliquant nos sens aux objets en question, nous ressaisissions ces connaissances que nous possédions précédemment, n’est-il pas vrai que ce que nous appelons apprendre, c’est ressaisir une science qui