Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/129

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nous appartient ? Et en disant que cela, c’est se ressouvenir, n’emploierions-nous pas le mot juste ?

— Certainement si.

— Car nous avons vu qu’il est possible, en percevant une chose par la vue, ou par l’ouïe ou par quelque autre sens, que cette chose fasse penser à une autre qu’on avait oubliée et avec laquelle elle avait du rapport, sans lui ressembler ou en lui ressemblant. Par conséquent il faut, je le répète, de deux choses l’une, ou bien que nous soyons nés avec la connaissance des réalités en soi et que nous les gardions toute la vie, tous tant que nous sommes, ou bien que ceux dont nous disons qu’ils apprennent ne fassent pas autre chose que se souvenir, et que la science soit réminiscence.

— Cela est certainement juste, Socrate.

XXI. — Alors lequel des deux choisis-tu, Simmias ? Naissons-nous avec des connaissances, ou bien nous ressouvenons-nous ensuite des choses dont nous avions pris connaissance auparavant ?

— Je suis incapable, Socrate, de faire ce choix sur-le-champ.

— Eh bien, voici une question où tu peux faire un choix et dire ton avis : un homme qui sait peut-il rendre raison de ce qu’il sait, ou ne le peut-il pas ?

— Forcément, il le peut, Socrate, dit-il.

— Te paraît-il aussi que tous les hommes puissent rendre raison de ces réalités dont nous parlions tout à l’heure ?

— Je le voudrais bien, ma foi, dit Simmias ; mais j’ai plutôt peur que demain à cette heure-ci il n’y ait plus un homme au monde qui soit capable de s’en acquitter dignement.

— Tu ne crois donc pas, Simmias, dit Socrate, que tous les hommes connaissent ces réalités

— Pas du tout.

— Alors ils se ressouviennent de ce qu’ils ont appris jadis ?

— Nécessairement.

— En quel temps nos âmes ont-elles acquis la connaissance de ces réalités ? Ce n’est certes pas depuis que nous sommes sous forme d’hommes.

— Non, certainement.

— C’est donc avant.

— Oui.