Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/133

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pour elle-même, est-elle toujours la même et de la même façon et n’admet-elle jamais nulle part en aucune façon aucune altération ?

— Elle reste nécessairement, Socrate, répondit Cébès, dans le même état et de la même façon.

— Mais que dirons-nous de la multitude des belles choses, comme les hommes, les chevaux, les vêtements ou toute autre chose de même nature, qui sont ou égales ou belles et portent toutes le même nom que les essences ? Restent-elles les mêmes, ou bien, tout au rebours des essences, ne peut-on dire qu’elles ne sont jamais les mêmes, ni par rapport à elles-mêmes, ni par rapport aux autres ?

— C’est ceci qui est vrai, dit Cébès : elles ne sont jamais les mêmes.

— Or ces choses, on peut les toucher, les voir et les saisir par les autres sens ; au contraire, celles qui sont toujours les mêmes on ne peut les saisir par aucun autre moyen que par un raisonnement de l’esprit, les choses de ce genre étant invisibles et hors de la vue.

— Ce que tu dis est parfaitement vrai, dit-il.

XXVI. — Maintenant veux-tu, continua Socrate, que nous posions deux espèces d’êtres, l’une visible, l’autre invisible ?

— Posons, dit-il.

— Et que l’invisible est toujours le même, et le visible jamais ?

— Posons-le aussi, dit-il.

— Dis-moi, maintenant, reprit Socrate, ne sommes-nous pas composés d’un corps et d’une âme ?

— Si, dit-il.

— À quelle espèce notre corps est-il, selon nous, plus conforme et plus étroitement apparenté ?

— Il est clair pour tout le monde, répondit-il, que c’est à l’espèce visible.

— Et l’âme est-elle visible ou invisible ?

— Elle n’est pas visible, Socrate, dit-il, du moins pour l’homme.

— Eh bien mais, quand nous parlons de ce qui est visible et de ce qui ne l’est pas, c’est eu égard à la nature humaine ; crois-tu donc qu’il s’agit d’une autre nature ?

— Non, c’est de la nature humaine.

— Et l’âme ? dirons-nous qu’on la voit ou qu’on ne la voit pas ?

— On ne la voit pas.