Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/135

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lequel des deux te paraît ressembler à ce qui est divin et lequel à ce qui est mortel ? Mais peut-être ne crois-tu pas que ce qui est divin est naturellement fait pour commander et pour diriger, et ce qui est mortel pour obéir et pour être esclave ?

— Si, je le crois.

— Alors auquel des deux ressemble l’âme ?

— Il est évident, Socrate, que l’âme ressemble à ce qui est divin et le corps à ce qui est mortel.

— Examine à présent, Cébès, reprit Socrate, si, de tout ce que nous avons dit, il ne résulte pas que l’âme ressemble de très près à ce qui est divin, immortel, intelligible, simple, indissoluble, toujours le même et toujours semblable à lui-même, et que le corps ressemble parfaitement à ce qui est humain, mortel, non intelligible, multiforme, dissoluble et jamais pareil à soi-même. Pouvons-nous alléguer quelque chose contre ces raisons et prouver qu’il n’en est pas ainsi ?

— Non.

XXIX. — Alors, s’il en est ainsi, n’est-il pas naturel que le corps se dissolve rapidement et que l’âme au contraire soit absolument indissoluble ou à peu près ?

— Sans contredit.

— Or, tu peux observer, continua-t-il, que lorsque l’homme meurt, la partie de lui qui est visible, le corps, qui gît dans un lieu visible et que nous appelons cadavre, bien qu’il soit naturellement sujet à se dissoudre, à se désagréger et à s’évaporer, n’éprouve d’abord rien de tout cela et reste comme il est assez longtemps, très longtemps même, si l’on meurt avec un corps en bon état et dans une saison également favorable ; car, quand le corps est décharné et embaumé, comme on fait en Égypte, il demeure presque entier durant un temps infini, et même quand il est pourri, certaines de ses parties, les os, les tendons et tout ce qui est du même genre, sont néanmoins presque immortels. N’est-ce pas vrai ?

— Si.

— Peut-on dès lors soutenir que l’âme, qui s’en va dans un lieu qui est, comme elle, noble, pur, invisible, chez celui qui est vraiment l’Invisible, auprès d’un dieu sage et bon, lieu où tout à l’heure, s’il plaît à Dieu, mon âme doit se rendre aussi, que l’âme, dis-je, pourvue de telles qualités et d’une telle nature, se dissipe à tous les vents et périsse en sortant du corps, comme le disent