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Page:Platon - Apologie de Socrate ; Criton ; Phédon (trad. Chambry), 1992.djvu/145

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XXXVIII. — Leurs discours produisirent sur nous une impression désagréable, comme nous l’avouâmes plus tard entre nous : fortement convaincus par le raisonnement antérieur, nous nous sentions de nouveau troublés par eux et précipités dans le doute, à l’égard non seulement de ce qui avait été dit jusqu’ici, mais encore de ce qu’on allait dire ensuite ; nous avions peur d’être de mauvais juges, ou que les choses elles-mêmes ne pussent être prouvées.

ÉCHÉCRATE

Par les dieux, PHÉDON, je vous excuse ; car moi-même, après t’avoir entendu, je me prends à me dire : « En quel, argument aurons-nous foi désormais, quand celui de Socrate, qui était si convaincant, est à présent tombé dans le discrédit ? » En effet, cette opinion que notre âme est une espèce d’harmonie a toujours eu et a encore aujourd’hui une merveilleuse prise sur moi, et l’exposé qu’on en a fait m’a fait souvenir que, moi aussi, j’avais jusqu’à présent été de cet avis. C’est donc à recommencer pour moi et j’ai grand besoin d’une nouvelle preuve pour me persuader que l’âme du mort ne meurt pas avec lui. Dis-moi donc, au nom de Zeus, comment Socrate poursuivit la dispute, si lui aussi, comme tu le dis de vous, parut, ou non, contrarié ; s’il se porta doucement au secours de son argument ; enfin si le secours qu’il lui porta fut efficace ou insuffisant. Raconte-nous tout en détail aussi exactement que tu le pourras.

PHÉDON

Je puis dire, ÉCHÉCRATE, que Socrate m’a souvent étonné ; mais je ne l’ai jamais plus admiré qu’en cette circonstance où j’étais à ses côtés. Qu’il eût de quoi répondre, il n’y avait sans doute là rien de surprenant de la part d’un homme comme lui ; mais ce que moi j’admirai le plus, c’est la bonne grâce, la bienveillance, la déférence avec lesquelles il accueillit les objections de ces jeunes gens, puis la sagacité avec laquelle il se rendit compte de l’impression qu’elles avaient faite sur nous, et ensuite l’habileté avec laquelle il guérit nos inquiétudes et, nous rappelant comme des fuyards et des vaincus, nous ramena face à l’argument pour le suivre et l’examiner avec lui.

ÉCHÉCRATE

Comment s’y prit-il ?

PHÉDON