Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/45

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

amant, elle ne règne que par la faute de ceux qui l’ont établie, je veux dire par l’ambition des gouvernants et la lâcheté des gouvernés ; là où la loi les approuve tout simplement, c’est par la paresse d’esprit de ses auteurs ; mais chez nous la loi repose sur des raisons plus belles et, comme je le disais, délicates à débrouiller.

X.- En effet (25), si l’on fait réflexion que, suivant l’opinion courante, il est plus beau d’aimer ouvertement que d’aimer en cachette, et surtout d’aimer les jeunes gens les plus généreux et les plus vertueux, fussent-ils moins beaux que les autres ; que, d’autre part, les amoureux reçoivent de tout le monde des encouragements extraordinaires, comme s’ils ne faisaient rien que d’honorable ; que le succès leur fait honneur, l’insuccès, honte, et que la loi donne à l’amoureux qui entreprend une conquête la licence de faire avec l’approbation publique toutes sortes d’extravagances qu’on n’oserait pas commettre, si l’on voulait poursuivre et réaliser tout autre dessein, sans encourir les reproches les plus graves, — si en effet un homme consentait, en vue de recevoir de l’argent de quelqu’un ou d’obtenir une magistrature ou quelque autre place, à faire ce que font les amants pour l’objet aimé, quand ils appuient leurs prières de supplications et d’objurgations, font des serments, couchent aux portes, descendent à une servilité qui répugnerait même à un esclave, il serait empêché d’agir ainsi et par ses amis et par ses ennemis, les uns lui reprochant ses adulations et ses bassesses, les autres l’admonestant et rougissant pour lui, tandis qu’au contraire on passe à l’amant toutes ces extravagances et que la loi lui permet de les commettre sans honte, comme s’il faisait quelque chose d’irréprochable ; et, ce qu’il y a de plus fort, c’est que, selon le dicton populaire, seul le parjure d’un amant obtient grâce devant les dieux, car on dit qu’un serment d’amour n’engage pas ; c’est ainsi que les dieux et les hommes donnent à l’amant toute licence, comme l’atteste la loi d’Athènes — si, dis-je, on fait réflexion sur tout cela, on sera conduit à penser qu’il est parfaitement honorable dans cette ville et d’aimer et de payer d’amitié qui nous aime.

Mais en revanche quand on voit les pères mettre les garçons qu’on poursuit sous la surveillance de pédagogues, défendre à ces enfants de parler à leurs amants et prescrire aux pédagogues de faire observer cette défense ; quand on voit, d’autre part, que les garçons