Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/50

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principe qu’il faut complaire aux hommes sageset viser à rendre sages ceux qui ne le sont pas encore, et encourager leur amour, qui est l’amour honnête, l’amour céleste, l’amour de la muse Ourania. Au contraire, celui de Polymnia, c’est l’amour populaire : il ne faut jamais l’offrir qu’avec précaution, de manière à en goûter le plaisir, sans aller jusqu’à l’incontinence. De même dans notre art il est difficile de bien régler les désirs de la gourmandise, de manière à jouir du plaisir sans se rendre malade. Il faut donc, et dans la musique et dans la médecine, et dans toutes choses, soit divines, soit humaines, pratiquer l’un et l’autre amour dans la mesure permise, puisqu’ils s’y rencontrent tous les deux.

XIII. — Ils se rencontrent aussi tous les deux dans la constitution des saisons de l’année. Quand les contraires dont je parlais tout à l’heure, le chaud et le froid, le sec et l’humide, se trouvent dans leurs rapports sous l’influence de l’amour réglé et se mélangent dans un harmonieux et juste tempérament, ils apportent l’abondance et la santé aux hommes, aux animaux et aux plantes, sans nuire à quoi que ce soit ; mais quand c’est l’amour désordonné qui prévaut dans les saisons, il gâte et abîme bien des choses ; car ses dérèglements occasionnent d’ordinaire des pestes et beaucoup d’autres maladies variées aux animaux et aux plantes ; les gelées, la grêle, la nielle proviennent en effet du défaut de proportion et d’ordre que cet amour met dans l’union des éléments. La connaissance des influences de l’amour sur les révolutions des astres et les saisons de l’année s’appelle astronomie.

En outre tous les sacrifices et tout ce qui relève de la divination, laquelle met en communication les hommes et les dieux, n’ont pas d’autre objet que d’entretenir ou de guérir l’amour ; car toute impiété vient de ce que nous refusons de céder à l’Éros réglé, de l’honorer, de le révérer dans tous nos actes, pour révérer l’autre Éros , dans nos rapports, soit avec nos parents vivants ou morts, soit avec les dieux. C’est la tâche de la divination de surveiller et de traiter ces Amours. C’est elle qui est l’ouvrière de l’amitié entre les dieux et les hommes, parce qu’elle sait ce qui, dans les amours humains, tend au respect des dieux et à la piété. Telle est la multiple, l’immense ou plutôt l’universelle puissance qu’Éros possède en général ; mais c’est quand il cherche le bien dans les voies de la sagesse et de la justice, soit chez nous, soit chez les dieux, qu’Éros