Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/51

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possède la plus grande puissance et nous procure le bonheur complet, en nous rendant capables de vivre en société et d’être les amis même des dieux, si élevés au-dessus de nous.

Peut-être moi aussi, en louant Éros , j’ai commis plus d’un oubli, mais c’est involontairement. D’ailleurs, s’il m’est échappé quelque chose, c’est à toi, Aristophane, à le suppléer. Cependant, si tu as l’intention de louer le dieu autrement, fais-le, puisque aussi bien ton hoquet a passé. »

C’est alors que, suivant Aristodème, Aristophane prit la parole à son tour et dit : « Sans doute il a cessé, mais pas avant de lui avoir appliqué le remède de l’éternuement ; aussi j’admire que le bon état du corps réclame des bruits et des chatouillements tels que l’éternuement ; aussitôt que je lui ai appliqué l’éternuement, le hoquet a cessé.— Mon brave Aristophane, dit Érixymaque, prends garde à ce que tu fais. Tu fais rire à mes dépens, au moment de prendre la parole : c’est me forcer à surveiller ton discours, pour voir si tu ne diras rien qui prête à rire, quand tu pourrais parler en toute sécurité. »

Aristophane se mit à rire et dit : « Tu as raison, Érixymaque ; fais comme si je n’avais rien dit ; ne me surveille pas, car je crains dans le discours que j’ai à faire, non pas de faire rire : ce serait une bonne fortune pour nous et c’est le propre de ma muse, mais de dire des choses ridicules.— Tu m’as décoché ton trait, et tu penses m’échapper, Aristophane ? Fais attention et parle comme un homme qui rendra raison. Je ne veux pas dire pourtant que, s’il me convient, je ne te fasse grâce.

XIV.- Oui, Érixymaque, dit Aristophane, j’ai l’intention de parler autrement que vous ne l’avez fait, toi et Pausanias. Il me semble en effet que les hommes ne se sont nullement rendu compte de la puissance d’Éros  ; s’ils s’en rendaient compte, ils lui consacreraient les temples et les autels les plus magnifiques et lui offriraient les plus grands sacrifices, tandis qu’à présent on ne lui rend aucun de ces honneurs, alors que rien ne serait plus convenable. Car c’est le dieu le plus ami des hommes, puisqu’il les secourt et porte remède aux maux dont la guérison donnerait à l’humanité le plus grand bonheur. Je vais donc essayer de vous initier à sa puissance, et vous en instruirez les autres. Mais il faut d’a