Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/60

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pour l’art du forgeron, d’Athéna pour l’art de tisser et de Zeus pour le gouvernement des dieux et des hommes. Ainsi l’ordre s’établit parmi les dieux sous l’influence d’Éros , c’est-à-dire de la beauté ; car Éros ne s’attache pas à la laideur. Jadis, comme je l’ai dit en commençant, bien des atrocités se commirent chez les dieux, au dire de la légende, sous l’empire de la Nécessité ; mais quand Éros fut né, de l’amour du beau sortirent des biens de toutes sortes pour les dieux et pour les hommes.

C’est mon sentiment, Phèdre, qu’Éros étant d’abord lui-même le plus beau et le meilleur de tous ne peut dès lors manquer de procurer aux autres les mêmes avantages. Disons, en pliant à la mesure la pensée qui me vient, que c’est lui qui donne « la paix aux hommes, le calme à la mer, le silence aux vents, la couche et le sommeil au souci ».

C’est lui qui nous délivre de la sauvagerie et nous inspire la sociabilité, qui forme toutes ces réunions comme la nôtre et nous guide dans les fêtes, dans les chœurs dans les sacrifices. Il nous enseigne la douceur, il bannit la rudesse ; il nous donne la bienveillance, il nous ôte la malveillance ; il est propice aux bons, approuvé des sages, admiré des dieux ; envié de ceux qui ne le possèdent pas, précieux à ceux qui le possèdent ; père du luxe, de la délicatesse, des délices, des grâces, de la passion, du désir, il s’intéresse aux bons, néglige les méchants ; dans la peine, dans la crainte, dans le désir, dans la conversation, il est notre pilote, notre champion, notre soutien, notre sauveur par excellence ; il est la gloire des dieux et des hommes, le guide le plus beau et le meilleur, que tout homme doit suivre, en chantant de beaux hymnes et en répétant le chant magnifique qu’il chante lui-même pour charmer l’esprit des dieux et des hommes. Voilà, Phèdre, le discours que je consacre au dieu, discours que j’ai mêlé de jeu et de sérieux, aussi bien que j’ai pu le faire ».

Notes : 38. Hésiode, Théogonie, 176 sqq., — Les fragments de Parménide ne contiennent aucune de ces histoires. 39. Cf. Euthyphron, 6 a : Les hommes croient que Zeus a enchaîné son père, parce qu’il dévorait ses enfants sans cause légitime et que ce père, lui aussi, avait mutilé le sien pour d’autres raisons du même genre. 40. Homère, Iliade, XIX, 92-93. 41. Ces mots « reines de la cité » sont probablement une citation d’Alcidamas, rhéteur de l’école de Gorgias... Cf. Aristote, Rhét., III, 1406 a. Pindare appelle aussi la loi la reine des hommes et des dieux. 42. C’est un mot d’Euripide, tiré de la Sténéboée fr. 663 (Nauck) : « Éros fait un poète d’un homme jusque-là étranger aux Muses. »

XX. — Quand Agathon eut fini de parler, tous les assistants, au rapport d’Aristodème, applaudirent bruyamment, déclarant que le jeune homme avait parlé d’une manière digne de lui et du dieu tout ensemble. Alors Socrate, se tournant vers Érixymaque, lui dit « Trouves-tu, fils d’Acoumène, que ma crainte de tout à l’heure était vaine, et n’ai-je pas été bon prophète quand j’ai dit il y a un instant qu’Agathon pa