Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/70

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semble bien que tu aies raison, dis-je.— On dit parfois, continua-t-elle, que chercher la moitié de soi-même, c’est aimer ; et moi je dis, mon cher, qu’aimer, ce n’est chercher ni la moitié ni le tout de soi-même, si cette moitié et ce tout ne sont pas bons, puisque les hommes consentent à se laisser couper les pieds et les mains, quand ces parties d’eux-mêmes leur paraissent mauvaises ; car ce n’est pas, je pense, à ce qui lui appartient que chacun de nous s’attache, à moins qu’il ne regarde le bien comme une chose qui lui est propre et fait partie de lui-même, et le mal comme une chose étrangère ; car les hommes n’aiment que le bien ; n’est-ce pas ton avis ?— Si, par Zeus, répondis-je.— Donc, reprit-elle, on peut dire simplement que les hommes aiment le bien ?— Oui, répliquai-je.— Mais ne faut-il pas ajouter, reprit-elle, qu’ils aiment que le bien soit à eux ?— Il le faut ajouter.— Et non seulement qu’il soit à eux, continua-t-elle, mais qu’il soit à eux toujours ?— Oui, aussi.— L’amour est donc en somme, dit-elle, le désir de posséder toujours le bien.— C’est parfaitement exact », répondis-je.

XXV.- Elle continua : « Si l’amour est en général l’amour du bien, comment et dans quel cas appliquera-t-on le nom d’amour à la passion et à l’ardeur de ceux qui poursuivent la possession du bien ? Qu’est-ce au juste que cette action spéciale ? Pourrais-tu me le dire ?— Si je le savais, Diotime, lui dis-je, je ne serais pas en admiration devant ta science, et je ne fréquenterais pas chez toi pour m’instruire précisément sur ces matières.— Eh bien ! reprit-elle, je vais te le dire. C’est l’enfantement dans la beauté, selon le corps et selon l’esprit.— Il faut être devin, dis-je, pour saisir ce que tu dis, et je ne comprends pas.— Eh bien, reprit-elle, je vais parler plus clairement. Tous les hommes, dit-elle, sont féconds, Socrate, selon le corps et selon l’esprit. Quand nous sommes en âge, notre nature sent le désir d’engendrer, mais elle ne peut engendrer dans le laid, elle ne le peut que dans le beau ; et en effet l’union de l’homme et de la femme est enfantement. C’est là une œuvre divine, et l’être mortel participe à l’immortalité