Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/77

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

voir, si tu veux, Phèdre, dans ce discours un éloge de l’Amour ; sinon donne-lui tel nom qu’il te plaira ».

XXX. — Quand Socrate eut fini de parler, tout le monde le félicita ; seul, Aristophane se disposait à répliquer, parce que Socrate en discutant avait fait allusion à un passage de son discours (57), quand soudain la porte extérieure de la cour résonna, comme sous les coups redoublés d’un cortège de buveurs, et qu’une joueuse de flûte se fit entendre.

« Esclaves, dit Agathon, courez voir, et, si c’est quelqu’un de nos amis, invitez-le ; sinon, dites que nous avons fini de boire et que maintenant nous reposons. » Peu après, on entendit dans la cour la voix d’Alcibiade, fortement pris de vin, qui criait à plein gosier : « Où est Agathon ? qu’on me mène à Agathon. » Alors la joueuse de flûte et quelques autres de ses compagnons, le prenant sous les bras, nous l’amenèrent. Il s’arrêta à la porte, couronné d’une épaisse guirlande de lierre et de violettes et la tête toute couverte de bandelettes. « Salut, amis, dit-il. Voulez-vous admettre à boire avec vous un homme qui a déjà beaucoup bu, ou faudra-t-il nous en aller, en nous bornant à couronner Agathon, ce qui est le but de notre venue ? Hier, ajouta-t-il, il ne m’a pas été possible de venir ; mais aujourd’hui me voici, avec ces bandelettes sur la tête pour en couronner le front de l’homme que je proclame le plus sage et le plus beau (58). Vous moquerez-vous de moi parce que je suis ivre ? Riez, si vous voulez, je sais bien que je dis la vérité. Mais dites-moi tout de suite si je puis entrer ou non, à la condition que j’ai dite. Voulez-vous, oui ou non, boire avec moi ? » Toute la compagnie l’acclama et le pria d’entrer et de prendre place à table. Agathon lui-même l’appela. Il entra conduit par ses compagnons, et il enleva ses bandelettes pour en couronner Agathon. Comme il les avait devant les yeux, il ne vit pas Socrate et s’assit près d’Agathon, entre lui et Socrate qui s’était écarté pour lui faire place aussitôt qu’il l’avait aperçu. Une fois assis, il embrassa Agathon et le couronna.

« Esclaves, dit Agathon, ôtez-lui ses chaussures afin qu’il s’attable en tiers avec nous.— Je le veux bien, dit Alcibiade ; mais quel est ce troisième convive ? » En même temps il se retourna et vit Socrate, sur quoi il sursauta et dit : « Ô Hèraclès, qu’est ceci ? Socrate ici ? Te voilà encore ici à m’attendre en embuscade,