Page:Platon - Le Banquet ; Phèdre (trad. Chambry), 1991.djvu/78

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suivant ton habitude d’apparaître soudain là où je m’attendais le moins à te rencontrer. Maintenant encore qu’es-tu venu faire ici ? et pourquoi aussi t’es-tu placé là ? Pourquoi pas près d’Aristophane ou de quelque autre plaisant ou qui veut l’être ? Tu t’es arrangé pour te placer près du plus beau garçon de la compagnie.— Agathon, dit Socrate, vois si tu peux me secourir. L’amour que j’ai pour cet homme ne m’est pas d’un petit embarras ; depuis que je me suis mis à l’aimer, il ne m’est plus permis de donner un coup d’œil ni d’adresser la parole à un beau garçon ; autrement, jaloux et envieux, il me fait une scène, m’injurie et se tient à peine de me frapper. Vois donc à l’empêcher de faire quelque extravagance et fais ma paix avec lui ; ou, s’il veut se porter à quelque violence, défends-moi ; car je tremble devant sa fureur et son amour.— Non, répondit Alcibiade, il n’y a pas de paix possible entre toi et moi ; mais je me vengerai de ce trait une autre fois ; en attendant, Agathon, rends-moi quelques bandelettes, que j’en couronne aussi la tête merveilleuse de cet homme, et qu’il ne vienne pas me reprocher de t’avoir couronné et de l’avoir oublié, lui qui par ses discours est vainqueur de tout le monde, non pas seulement comme toi, avant-hier, mais en toutes les rencontres. »

Et ce disant, il prit des bandelettes, en couronne Socrate et s’accouda sur le lit.

XXXI. — S’étant ainsi placé, il dit : « Voyons, camarades, vous me paraissez bien sobres ; c’est une chose qu’on ne vous passera pas : il faut boire, c’est dans nos conventions. Donc, pour roi du festin, je choisis, jusqu’à ce que vous ayez bu, moi-même. Maintenant, qu’Agathon nous procure une large coupe, s’il en a ; ou plutôt cela n’est pas nécessaire ; apporte-nous, enfant, ce vase à rafraîchir, dit-il, en avisant un vase qui contenait plus de huit cotyles (59).

Il le fit remplir et le vida le premier, puis il le fit remplir de nouveau pour Socrate et dit : « À l’égard de Socrate, inutile d’y mettre de la finesse : il boira tant qu’on voudra, sans risquer de s’enivrer jamais. » L’esclave ayant versé, Socrate but. Alors Érixymaque prit la parole : « Qu’allons-nous faire à présent, Alcibiade ? Allons-nous rester ainsi sans parler ni chanter après boire ? Allons-nous boire tout bonnement comme des gens altérés ? — Érixymaque,