Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/234

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89e mon sentiment par l’aveu de quelqu’un qui sait discerner le vrai du faux.

CALLICLÈS

Eh bien oui, c’est là ce que pense le grand nombre.

SOCRATE

Ce n’est donc pas seulement en vertu de la loi qu’il est plus laid de commettre l’injustice que de la subir et que la justice est dans l’égalité ; c’est aussi selon la nature, de sorte qu’il se pourrait que tu n’aies pas dit la vérité précédemment et que tu m’aies accusé à tort, quand tu as dit que la loi et la nature sont en contradiction et que, sachant cela, j’étais de mauvaise foi dans les discussions, renvoyant à la loi ceux qui parlaient suivant la nature, et à la nature ceux qui parlaient suivant la loi.

CALLICLÈS

XLIV. — Cet homme‑là ne cessera jamais de bague­nauder. Dis‑moi, Socrate, n’as‑tu pas honte, à ton âge, de faire la chasse aux mots, et si l’on fait un lapsus de langage, de considérer cela comme une aubaine ? T’imagines‑tu que par les plus puissants j’entende autre chose que les meilleurs ? Ne t’ai-je pas déjà dit que pour moi plus puis­sant et meilleur, c’est la même chose ? Supposes‑tu, parce qu’un ramassis d’esclaves et de gens de toute provenance, sans autre mérite peut‑être que leur force physique, se seront assemblés et auront prononcé telle ou telle parole, que je prenne ces paroles pour des lois ?

SOCRATE

Soit, très savant Calliclès. C’est ainsi que tu l’entends ?

CALLICLÈS

Exactement.

SOCRATE

Eh bien, mon excellent ami, je me doutais bien moi­-même depuis longtemps que tu prenais le mot plus puis­sant dans ce sens‑là, et, si je répète ma question, c’est que je suis impatient de savoir nettement ce que tu penses. Car tu ne crois pas apparemment que deux hommes soient meilleurs qu’un seul, ni tes esclaves meilleurs que toi, parce qu’ils sont plus forts que toi. Dis‑moi donc, en reprenant au commencement, ce que tu entends par les meilleurs, puisque ce ne sont pas les plus forts. Seulement, merveilleux Calliclès, fais‑moi la leçon plus doucement, pour que je ne m’enfuie pas de ton école.

CALLICLÈS

Tu te moques, Socrate.

SOCRATE

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