Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/282

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'522b-523b soit en particulier, soit en public, je ne pourrai ni leur répondre conformément à la vérité : « C’est la justice qui me fait parler ainsi et en cela je sers votre intérêt, juges, ni dire aucune autre chose ; de sorte que je dois m’attendre à ce qu’il plaira au sort d’ordonner.

CALLICLÈS

Alors tu crois, Socrate, qu’il est beau pour un homme d’être dans une pareille position et dans l’impuissance de se défendre lui-même ?

SOCRATE

Oui, Calliclès, à condition qu’il ait une chose que tu lui as plusieurs fois accordée, je veux dire qu’il se soit ménagé le secours qui consiste à n’avoir rien dit ni rien fait d’in­juste ni envers les hommes, ni envers les dieux. Car cette manière de se secourir soi-même, ainsi que nous l’avons reconnu plus d’une fois, est la meilleure de toutes. Si donc on me prouvait que je suis incapable de m’assurer cette sorte de secours à moi-même et à un autre, je rou­girais d’être convaincu devant peu comme devant beau­coup de personnes et même en tête à tête avec moi seul, et si cette impuissance devait causer ma mort, j’en serais bien fâché ; mais si je perdais la vie faute de connaître la rhétorique flatteuse, je suis sûr que tu me verrais supporter facilement la mort. La mort en soi n’a rien d’effrayant, à moins que l’on ne soit tout à fait insensé et lâche ; ce qui est effrayant, c’est l’injustice ; car le plus grand des malheurs est d’arriver chez Hadès avec une âme chargée de crimes. Si tu le veux, je suis prêt à te faire un récit qui te le prouvera.

CALLICLÈS

Eh bien, puisque tu as achevé ton exposition, achève aussi de traiter ce point.

SOCRATE

LXXIX. — Écoute donc, comme on dit, une belle histoire, que tu prendras, je m’en doute, pour une fable, mais que je tiens pour une histoire vraie ; car je te garan­tis vrai ce que je vais dire. Comme le dit Homère 51, Zeus, Poséidon et Pluton, ayant reçu l’empire de leur père, le partagèrent entre eux. Or au temps de Cronos, il y avait à l’égard des hommes une loi, qui a toujours subsisté et qui subsiste encore parmi les dieux, que celui qui a mené une vie juste et sainte aille après sa mort dans les îles des Bienheureux 52 pour y séjourner à l’abri de tout mal dans une félicité parfaite, et qu’au contraire celui qui a vécu dans l’injustice et l’impiété aille dans la prison de l’expiation et de la peine, qu’on appelle le Tartare 53. Or, au temps de Cronos et au début du règne de Zeus, 523b-524c