Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/302

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d’origine étrangère et que, de ce fait, eux, leurs descendants, n’étaient pas dans le pays des immigrés dont les aïeux seraient venus d’ailleurs, mais des autochtones, qui habitaient et vivaient dans leur patrie réelle et qui n’étaient pas nourris comme d’autres par une marâtre, mais par la terre maternelle dans laquelle ils habitaient, et qu’aujourd’hui, après leur mort, ils reposent dans leur propre terre, celle qui les a enfantés, nourris et reçus dans son sein. Dès lors, il n’est rien de plus juste que de glorifier d’abord leur mère elle-même, puisque c’est du même coup glorifier leur naissance.

VII. — Notre pays mérite les éloges de tous les hommes et non pas seulement les nôtres, pour plusieurs raisons, dont la première et la plus considérable, c’est qu’il est aimé des dieux. Notre affirmation est confirmée par la querelle et le jugement des dieux qui se disputèrent pour lui. Honoré par les dieux, comment n’aurait-il pas le droit de l’être par tous les hommes sans exception ? Une autre juste raison de le louer, c’est qu’au temps où toute la terre produisait et enfantait des animaux de toute espèce, sauvages et domestiques, la nôtre en ce temps-là se montra vierge et pure de bêtes sauvages, et, parmi les animaux, elle choisit et enfanta l’homme, qui surpasse les autres par l’intelligence et reconnaît seul une justice et des dieux. Une preuve bien forte que cette terre a enfanté les ancêtres de ces guerriers et les nôtres, c’est que tout être qui enfante porte en lui la nourriture appropriée à son enfant, et c’est par là qu’on reconnaît la vraie mère de la fausse, qui s’approprie l’enfant d’une autre : celle-ci n’a pas les sources nourricières nécessaires au nouveau-né. C’est par là que la terre, qui est en même temps notre mère, prouve incontestablement qu’elle a engendré des hommes : seule en ce temps-là et la première, elle a produit, pour nourrir l’homme, le fruit du blé et de l’orge, qui procure au genre humain le plus beau et le meilleur des aliments, montrant ainsi que c’est elle qui a réellement enfanté cet être. Et c’est pour la terre plus encore que pour la femme qu’il convient d’accepter des arguments de ce genre ; car ce n’est pas la terre qui a imité la femme dans la conception et l’enfantement, mais la femme qui imite la terre. Et ce fruit-là, elle n’en a pas été avare, elle l’a distribué aux autres. Ensuite, elle a produit pour ses fils l’huile d’olive, qui soulage la fatigue ; et, après les avoir nourris et fait grandir jusqu’à l’adolescence, elle a introduit, pour les gouverner et les instruire, des dieux, dont il convient ici de taire les noms, car nous les connaissons. Ce sont eux qui ont organisé notre vie en vue de l’existence quotidienne, en nous enseignant les arts avant les autres hommes, et qui nous ont appris à nous faire des armes et à nous en servir pour défendre notre pays.