Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/303

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VIII. — Nés et élevés de cette manière, les ancêtres de ces guerriers avaient, pour se gouverner, fondé un État, dont il convient de dire quelques mots. Car c’est l’État qui forme les hommes et les rend bons, s’il est bon, mauvais, s’il est le contraire. Il est donc indispensable de montrer que nos pères ont été élevés dans un État bien réglé, qui les a rendus vertueux, ainsi que les hommes de nos jours, au nombre desquels il faut compter les morts qui sont devant nous. C’était alors le même gouvernement qu’aujourd’hui, le gouvernement de l’élite, sous lequel nous vivons à présent et avons presque toujours vécu depuis ce temps-là. Les uns l’appellent démocratie, les autres de tel autre nom qu’il leur plaît ; mais c’est en réalité le gouvernement de l’élite avec l’approbation de la foule. Et en effet, nous avons toujours des rois ; ils le sont tantôt en vertu de la naissance, tantôt en vertu de l’élection. Mais le gouvernement de l’État est pour la plus grande part aux mains de la foule, qui confie les charges et le pouvoir à ceux qui, en chaque occasion, lui paraissent être les meilleurs, et nul n’en est exclu ni par l’infirmité, ni par la pauvreté, ni par l’obscurité de sa naissance, ni préféré pour les avantages contraires, comme il arrive dans d’autres États. Il n’y a qu’une règle, c’est que celui qui paraît être habile et vertueux commande et gouverne. La cause de cette constitution qui nous régit est l’égalité de naissance. Les autres États sont formés de populations hétérogènes de toute provenance, et cette diversité se retrouve dans leurs gouvernements, tyrannies et oligarchies ; dans ces États, les citoyens sont traités en esclaves par un petit nombre, et ce petit nombre est regardé comme un maître par la foule. Nous et les nôtres, qui sommes tous frères, étant issus d’une mère commune, nous ne nous regardons pas comme esclaves, ni comme maîtres les uns des autres ; mais l’égalité d’origine établie par la nature nous oblige à rechercher l’égalité politique selon la loi et à ne reconnaître d’autre supériorité que celle de la vertu et de la sagesse.

IX. — De là vient que les pères de ces soldats et de nous-mêmes et ces soldats eux-mêmes, nourris dans une pleine liberté, après avoir reçu une noble naissance, ont accompli sous les yeux du monde entier tant de belles actions publiques et particulières, regardant comme un devoir de combattre pour la liberté contre des Grecs en faveur des Grecs et contre les barbares en faveur de la Grèce entière. Comment ils repoussèrent Eumolpe et les Amazones et des ennemis encore plus anciens, qui avaient envahi notre pays, et comment ils secoururent les Argiens contre les descendants de Cadmos et les Héraclides contre les Argiens, le temps m’est trop