Page:Platon - Protagoras ; Euthydème ; Gorgias ; Ménexène, Ménon, Cratyle (trad. Chambry), 1992.djvu/77

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Delphes ces maximes qui sont dans toutes les bouches Connais-toi toi-même et Rien de trop.

Mais pourquoi rapporté-je tout ceci ? C’est pour vous faire voir que la manière des anciens sages était caractérisée par une sorte de concision laconique. Or de Pittacos en particulier on répétait ce mot vanté par les sages : Il est difficile d’être homme de bien. Simonide donc, qui aspirait à la gloire de passer pour un sage, comprit que, s’il jetait à terre cette maxime, comme on terrasse un athlète célèbre, et s’il en triomphait, lui-même se ferait un nom parmi les hommes de son temps ; c’est donc contre cette maxime qu’il voulait abattre et dans le but que je viens de dire que Simonide a composé tout son poème, du moins il me le semble.

XXIX. — Examinons-le donc tous ensemble, et voyons si j’ai raison. Tout d’abord le commencement du poème paraîtrait extravagant si, voulant dire qu’il est difficile d’être vertueux, Simonide insérait dans sa phrase ce je l’avoue, car ce je l’avoue est une addition absolument sans but, si l’on ne suppose pas que Simonide fait le procès au mot de Pittacos, et que, quand Pittacos dit : Il est difficile d’être vertueux, Simonide le lui conteste en disant : Non, mais, je l’avoue, Pittacos, devenir vertueux est difficile véritablement. Il ne dit pas véritablement vertueux, ce n’est pas sur vertueux que porte le mot véritablement, comme si, parmi les gens vertueux, les uns étaient vertueux véritablement, les autres vertueux, sans l’être véritablement, ce serait une absurdité, indigne de Simonide ; mais il faut admettre qu’il y a hyperbate du mot véritablement, et, prenant pour texte le mot de Pittacos, supposer entre Pittacos et Simonide un dialogue où le premier dit : Mes amis, il est difficile d’être vertueux, à quoi le second répond : Tu te trompes, Pittacos, ce n’est pas d’être, c’est de devenir vertueux, carré des mains, des pieds et de l’esprit et fait sans reproche, c’est cela, je l’avoue, qui est difficile véritablement. De cette manière on voit que l’insertion de je l’avoue est fondée en raison, et que la place exacte de véritablement est à la fin. Tout ce qui suit rend témoignage de la valeur assignée à ces deux mots. Il y a dans le poème beaucoup de détails dont on pourrait montrer la convenance, car il réunit par excellence la grâce et l’exactitude ; mais il serait trop long de l’étudier ainsi par le menu. Je me contenterai d’expliquer le caractère général et le dessein du poème et de montrer que d’un bout à l’autre il a pour objet essentiel de réfuter le mot de Pittacos.

XXX. — En effet, que dit Simonide un peu plus loin ? Le voici, traduit en prose : il est, je l’avoue, véritablement