Nous disons qu’une opinion fausse est une sorte de méprise qui se produit lorsque, confondant dans sa pensée deux choses également réelles, on affirme que l’une est l’autre. De cette façon on juge toujours quelque chose qui est, mais on prend l’un pour l’autre, et l’on pourrait dire à juste titre que, quand on manque ce qu’on visait, on a une opinion fausse.
Ce que tu dis me paraît très juste. Lorsqu’en effet on prend une chose laide pour une belle ou une belle pour une laide, alors on se fait une opinion véritablement fausse.
On voit bien, Théétète, que tu me méprises et que tu ne me crains pas.
Pourquoi, au juste ?
C’est que tu n’as pas cru, j’imagine, que je relèverais ton « véritablement faux, » en te demandant s’il est possible que ce qui est vite se fasse lentement, ce qui est léger lourdement, et tout autre contraire, non selon sa propre nature, mais selon celle de son contraire, à l’opposé de la sienne propre. Cependant, je laisse cette objection, pour ne pas décevoir ta hardiesse. Mais es-tu satisfait de ton assertion que juger faux, c’est prendre une chose pour une autre ?
Oui.
Il est donc possible, d’après toi, d’admettre en sa pensée qu’une chose est une autre et non celle qu’elle est.
Oui, c’est possible.
Or, quand la pensée fait cette méprise, ne faut-il pas aussi qu’elle se représente, ou les deux objets à la fois, ou l’un des deux ?
Il faut en effet qu’elle se les représente, soit en même temps, soit successivement.