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NOTICE

loin de l’Hippias mineur. Cette date expliquerait notamment le ton dogmatique prêté à Socrate. Les deux dialogues offrent d’ailleurs d’autres analogies. Comme Ion, Hippias cite et commente la poésie homérique. Et Socrate, ne pouvant interroger Homère lui-même, demande au sophiste de lui répondre à la fois en son nom et au nom du poète. La ressemblance avec l’Ion est manifeste[1], quoique dans l’Hippias les citations d’Homère ne fournissent qu’un point de départ.

Pour attribuer l’Ion à la jeunesse de Platon on a souvent allégué aussi les imperfections de la forme et du plan[2]. Wilamowitz, vivement frappé de ces défauts, croit y trouver un argument si fort qu’il n’hésite pas à considérer Ion comme le premier en date des dialogues platoniciens[3]. On peut reconnaître en effet, dans les parties dialoguées, une raideur un peu gauche, et une certaine monotonie dans l’emploi des formules. Mais y a-t-il chez Platon beaucoup de pages plus exquises que le discours de Socrate où se trouve la comparaison de la pierre magnétique ? C’est dans le texte qu’il faut lire le développement sur les poètes (533 e sq.). Il se déroule avec la souplesse nonchalante de la phrase parlée, et voici surgir une à une, pour peindre le délire et la nature divine du poète, de magnifiques ou charmantes images : les bacchantes qui puisent aux fleuves le miel et le lait, les jardins et les vallons des Muses, et les abeilles qui y butinent en voltigeant, « car le poète est chose légère, ailée, sacrée… ». Quant aux critiques faites à la composition, nous avons essayé de montrer qu’elles sont peu justifiées.

Ce n’est pas sur ces motifs que nous nous fondons pour voir dans l’Ion une œuvre de jeunesse. Mais, en dehors des raisons de style alléguées par Janell, des analogies signalées plus haut entre l’Ion et l’Hippias mineur, le sujet même du dialogue, les idées qu’on y trouve exposées nous invitent à le mettre aux côtés de l’Apologie et de l’Hippias. Stallbaum note justement[4] que l’auteur y apparaît tout pénétré encore

  1. H. Raeder, o. l., p. 94.
  2. W. Janell, o. l., p. 327.
  3. O. l., p. 36 sq.
  4. O. l., p. 339-40.