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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/40

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PLAUTE.

silence la comédie qu’on va représenter, et jugez-la avec justice et sans partialité.

Maintenant, je vais vous dire par quel ordre et pourquoi je viens ; et en même temps je vous apprendrai mon nom.

Je viens par l’ordre de Jupiter ; je m’appelle Mercure.

Jupiter, mon père, m’envoie en ambassadeur pour vous prier, quoiqu’il sache bien qu’un mot de sa bouche serait pour vous un ordre, et que vous respectez et craignez Jupiter, comme il convient ; toutefois il m’a ordonnéde vous parler très-poliment et de n’employer que la douceur et la persuasion.

N’en soyez pas surpris. Ce Jupiter, qui m’envoie, n’appréhende pas moins qu’aucun de vous de s’attirer quelque méchante affaire. N’est-il pas né comme vous, de père et de mère mortels ? Et moi aussi, qui suis son fils, je tiens de lui le mal de la peur. Aussi viens-je avec des intentions très-pacifiques, et j’espère en trouver chez vous de semblables. Je ne vous demande rien que de facile et de légitime. C’est de personnes justes comme vous qu’on doit attendre justice. Car demander une injustice à d’honnêtes gens, est une impertinence ; comme demander une chose juste à des fripons, est une folie. De pareilles gens ne connaissent pas plus le droit qu’ils ne le pratiquent.

Maintenant, attention, je vous prie ! Vous devez vouloir ce que nous voulons ; car nous avons, mon père et moi, assez bien mérité de votre république. En effet, n’ai-je pas entendu, dans vos tragédies, Neptune, la Vertu, la Victoire, Mars, Bellone, et autres dieux vous rappeler leurs bienfaits, comme si tous ces bienfaits ne venaient pas de mon père, le maître des dieux, et l’auteur de toutes choses ! Mais pour lui, ce n’a jamais été sa manière de reprocher à d’honnêtes gens le bien qu’il a pu leur, faire. Il est persuadé de votre reconnaissance, et n’a point de regrets à tout ce qu’il a fait pour vous.

Mais il est temps de vous dire d’abord ce que je suis venu vous demander ; je vous exposerai ensuite le sujet de cette tragédie. Eh quoi ! vous froncez le sourcil, parce que je vous annonce une tragédie ! Ne suis-je pas un dieu ? Si cela vous fait plaisir, je ferai de la tragédie une comédie, sans y changer un seul vers. Parlez. Que voulez-vous que soit la pièce qu’on va jouer ? Mais je n’y pense pas, de vous faire cette question ; comme si ma divinité ne savait pas d’avance votre goût. Oui, vous dis-je, je sais ce que vous désirez ; et je vais vous arranger une tragi-comédie. Car une pièce où paraissent des dieux et des rois, ne peut pas décemment être tout à fait une comédie. D’un autre côté, un esclave y doit aussi jouer un rôle. J’accommoderai donc tout cela, en faisant, comme je vous disais, une tragi-comédie. À présent, je vous préviens que Jupiter vous ordonne d’établir des inspecteurs sur chaque banc du théâtre, pour observer les cabaleurs, les applaudisseurs à gages, et pour saisir leur toge comme caution. Il veut qu’on punisse également ceux qui brigueraient le prix en faveur des comédiens ou des décorateurs, par des menées, des lettres, des corruptions, ainsi que les comédiens eux-mêmes et leurs affidés ; et les édiles qui auraient décerné le prix de mauvaise foi, doivent être traités comme s’ils eussent enlevé par l’intrigue une magistrature pour eux ou leurs amis.

Les Romains, a-t-il dit, ne doivent leur victoire qu’à leur vertu, et non à l’intrigue et à la perfidie. Pourquoi la loi ne serait-elle pas pour les comédiens la même que pour les grands personnages. C’est par le mérite, et non par la brigue, qu’il faut