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Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/41

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AMPHITRYON, PROLOGUE.

disputer le prix. Celui qui fait bien, n’a pas besoin de brigues, et se confie à l’impartialité des juges.

Mon père a mis aussi dans mes instructions, qu’il y aurait également des inspecteurs parmi les comédiens ; afin de surprendre ceux qui auraient aposté des cabaleurs pour les applaudir, ou pour empêcher un autre d’être applaudi. Ils arracheront la robe aux coupables, et leur donner ont les étrivières.

Ne vous étonnez pas si Jupiter s’occupe tant des comédiens ; lui-même va jouer dans cette comédie. Vous vous récriez ? Est-ce donc une chose nouvelle devoir Jupiter faire ce métier-là. L’année dernière encore, vous vous en souvenez, les comédiens eurent besoin de son intervention ; ils l’invoquèrent ; il descendit sur cette scène, et les tira d’affaire. Vous savez, d’ailleurs, qu’il parait souvent dans la tragédie. Il jouera donc lui-même dans la pièce d’aujourd’hui ; j’y jouerai avec lui.

À présent, écoutez bien le sujet de cette comédie.

La ville que vous voyez est Thèbes ; dans cette maison, demeure Amphitryon, né dans Argos, d’un père Argien ; il a épousé Alcmène, fille d’Électryon. Il est maintenant à la tête d’une armée : car les Thébains sont en guerre avec les Téléboëns. Lorsque Amphitryon partit pour l’armée, sa femme Alcmène était grosse de lui.

Or vous savez, je pense, quel est mon père, comme il est de complexion amoureuse, et fort accoutumé à ne point se contraindre dans ses goûts. Il est devenu amoureux d’Alcmène, à l’insu de son mari ; et il en a usé avec elle de manière qu’elle est en ce moment grosse de deux enfants, dont l’un est d’Amphitryon, et l’autre, de Jupiter ; et pour que vous n’en doutiez pas, le dieu est à cette heure couché là dedans avec elle ; c’est pour cela que la nuit a été allongée par son ordre, afin de ne point interrompre ses plaisirs. Mais pour réussir, il a pris les traits d’Amphitryon, à s’y méprendre. Ne vous étonnez pas de mon costume, ni de me voir sous la forme d’un esclave ; d’un sujet ancien et usé, nous allons tirer une comédie nouvelle ; et c’est pour cela que je viens, affublé d’une parure toute nouvelle Mon père Jupiter, qui est là dedans, s’est métamorphosé en Amphitryon, au point de donner le change à tous les esclaves de la maison ; car il est habile en fait de métamorphoses. Moi j’ai pris la figure de l’esclave Sosie, qui a suivi Amphitron à l’armée. Sous ce déguisement, je sers les amours de mon père, sans que les autres valets, en me voyant aller et venir dans la maison, puissent me demander qui je suis. Comme ils me croient Sosie, leur camarade, aucun d’eux ne me demandera qui je suis ni d’où je viens. Mon père se livre à toute sa passion ; il est au lit, dans les bras de sa belle (c’est la manière de jouir qu’il préfère) ; il lui raconte tout ce qui s’est passé à la guerre ; et la pauvre femme se croit avec son mari, tandis qu’elle est avec son amant. Il lui apprend comment il a mis les ennemis en fuite, et comment on lui a fait, pour le récompenser, beaucoup de beaux présents. Ces présents, qu’Amphitryon a reçus en effet, nous avons eu le secret de les lui enlever : mon père ne fait-il pas tout ce qu’il veut.

Cependant Amphitryon va revenir aujourd’hui de l’armée, avec l’esclave dont je porte la figure. Afin que vous puissiez nous distinguer, j’aurai une petite plume à mon chapeau, et mon père aura au sien un cordon d’or ; Amphitryon n’en aura point.