Aller au contenu

Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/43

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
5
AMPHITRYON.

arrivant. Il faudra bien que je mente, comme à mon ordinaire. Car tandis que nos soldats se battaient de toute leur force, moi je m’enfuyais aussi de toute ma force. Cependant il faut parler, comme témoin, d’événements que je n’ai osé voir : cherchons donc un peu les termes et le ton convenables à mon récit. Bon ! Voici mon débit.

À peine nous arrivions chez les Téléboëns, à peine nous touchions leur territoire, qu’Amphitryon choisit ses premiers lieutenants, et les envoie porter aux Téléboëns ses propositions. S’ils consentent sans violence et de bon gré à rendre ce qu’ils nous ont pris, à livrer les ravisseurs, à réparer les dommages qu’ils nous ont causés, dans ce cas il ramènera son armée à Thèbes ; les Argiens, nos alliés, quitteront aussi la campagne, et on laissera tout le monde en paix. Mais s’ils ont des intentions contraires, s’ils refusent, alors il assiégera leur ville avec toutes ses troupes et avec la plus grande vigueur.

Lorsque les envoyés d’Amphitryon portèrent ces paroles aux Téléboëns, ceux-ci répondirent comme des gens décidés à faire une vigoureuse résistance ; Ils traitèrent nos députés avec une extrême arrogance, et dirent qu’ils sauraient bien par la force des armes se garantir de nos menaces, et qu’on se dépêchât de sortir de leur territoire. Cette réponse nous étant rendue. Amphitryon fait avancer toute son armée hors du camp ; les Téléboëns, de leur côté, font sortir de leur ville leurs légions, couvertes d’armures éclatantes. Les troupes, amenées sur le champ de bataille, sont rangées de part et d’autre, selon la méthode et l’usage de chacune des nations belligérantes. Alors les deux généraux sortent des rangs, s’avancent entre les deux armées, et ont ensemble une conférence ; ils conviennent que le parti qui sera vaincu dans ce combat se remettra à l’entière disposition des vainqueurs, avec sa ville, son territoire, ses foyers, ses autels et les dieux. Après ce colloque, la trompette senne de toutes parts, la terre en retentit : les deux armées poussent de grands cris. Les généraux adressent des vœux à Jupiter, haranguent leurs soldats. Chacun alors montre ce qu’il vaut, et songe à se signaler ; le fer frappe, les traits sifflent ; le ciel mugit du bruit des combattants ; leur haleine et leur souffle forment un nuage épais ; les uns tombent blessés, les autres, étouffés. Enfin, nos vœux sont accomplis : notre armée l’emporte ; les ennemis tombent enfouie ; les nôtres les poussent plus vivement. La victoire est à nous, malgré leur rage. Cependant pas un seul des ennemis ne lâche pied, pas un seul ne recule ; ils se font tuer sur la place plutôt que de quitter leurs rangs ; chacun tombe à l’endroit où il a été placé, et meurt à son poste. Mon maître. Amphitryon, voyant ce qui se passe, ordonne à la cavalerie d’attaquer par le flanc droit. Nos cavaliers obéissent sur-le-champ ; ils accourent par la droite en poussant de grands cris ; ils chargent avec impétuosité, rompent l’armée ennemie, et écrasent à bon droit cette perfide nation.

Merc. Jusqu’à présent il n’a pas menti d’un mot, car j’y étais avec mon père.

Sos. Enfin, les ennemis prennent la fuite ; les nôtres alors redoublent d’ardeur ; les fuyards sont inondés de traits, et mon maître tue le roi Ptérélas de sa propre main. Voilà comment se passa la bataille, qui dura depuis le matin jusqu’au soir. Je m’en souviens d’autant mieux, que je n’ai pas dîné ce jour-là. La nuit seule put mettre fin au combat. Le lendemain, les chefs des Téléboëns sortent de leurs murs, viennent tout en pleurs dans notre camp ; ils implorent à mains jointes notre clémence, nous conjurent de leur pardonner, et remettent