Page:Plaute, Térence, Sénèque - Théâtre complet, Nisard.djvu/698

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

autres esclaves vous en serviront mieux. D’ailleurs Eschine le désire.

MI. Tu le désires ?

AE. Oui, mon père.

MI. Puisque tu le désires, (975) allons, Syrus, viens ici, approche : tu es libre.

SY. Merci. J’en rends grâce à tout le monde, mais à vous surtout, monsieur.

DE. Je suis enchanté.

AE. Et moi aussi.

SY. Je vous crois. Plût aux dieux que mon bonheur fût complet, et que je visse ma femme Phrygia libre comme moi !

DE. Une femme excellente.

SY. Qui la première a présenté (980) le sein aujourd’hui à l’enfant d’Eschine, votre petit-fils.

DE. Ma foi, sérieusement, sur mon honneur puisque c’est elle qui a allaité l’enfant, il est de toute justice qu’on lui donne la liberté.

MI. Pour cela ?

DE. Certainement. Tenez, je vous rembourserai ce qu’elle vaut.

SY. Ah ! monsieur, puissent tous les dieux prévenir toujours vos moindres désirs !

MI. Tu as fait une bonne journée, Syrus.

DE. Oui, mon frère, (985) si vous faites maintenant votre devoir, et que vous lui prêtiez de la main à la main un peu d’argent pour vivre ; il vous le rendra bientôt.

MI. Pas seulement cela. (Il fait claquer ses doigts) AE. C’est un honnête garçon.

SY. Je vous le rendrai, sur mon honneur ; essayez de me prêter.

AE. Allons, mon père.

MI. Nous verrons tantôt.

DE. Il le fera.

SY. Que vous êtes bon !

AE. O le plus aimable des pères !

MI. (à Déméa) Que signifie tout ceci, mon frère ? Qui a pu opérer en vous un changement si soudain ? (990) Quelle lubie vous prend ? D’où vous vient cette générosité si subite ?

DE. Je vais vous le dire. C’était pour vous prouver que, si l’on vous trouve indulgent et bon, ce n’est pas que vous ayez réellement ces qualités, ni que votre conduite soit raisonnable et sage, mais c’est parce que vous êtes complaisant, faible et prodigue, mon frère. Maintenant, Eschine, si ma façon de vivre vous déplaît, (995) parce que je ne me prête pas à toutes vos fantaisies, justes ou non, je ferme les yeux ; gaspillez, achetez, faites ce que vous voudrez. Si au contraire vous aimez mieux qu’on vous dirige, et qu’on vous reprenne toutes les fois que, grâce à l’inexpérience de votre âge, vous n’y verrez pas trop clair, que la passion vous emportera et que la prudence vous fera défaut ; si vous voulez qu’on vous cède à l’occasion, (1000) me voici tout prêt à vous rendre ces services.

AE. Ah ! mon père, nous nous abandonnons à vous. Vous savez mieux que nous ce qu’il faut faire. Mais, mon frère, que décidez-vous à son égard ?

DE. Je lui passe sa chanteuse. Puisse-t-il s’en tenir là !

MI. A la bonne heure. Messieurs, applaudissez.