m’aviez si mal caressé les genoux. (Bas à Liban.) Allons, amuse-toi d’elle à ton tour et embrasse-la.
LIBAN. Tais-toi et regarde.
ARGYRIPPE. Eh bien, ma Philénie, approchons ; c’est un brave homme, lui, et qui ne ressemble guère à ce coquin.
LIBAN, à part. Promenons-nous ; ils me supplieront l’un après l’autre.
ARGYRIPPE. Je t’en prie, Liban, si tu veux être le sauveur de ton maître, donne-moi ces vingt mines ; amour et pauvreté, tu le vois, c’est mon lot.
LIBAN. Nous verrons, je ne demande pas mieux ; revenez sur la brune. Et puis dites à cette belle enfant de venir me présenter sa requête.
PHILÉNIE. Que faut-il pour te fléchir ? de l’amitié ? un baiser ?
LIBAN. L’un et l’autre.
PHILÉNIE. Je t’en conjure, sauve-nous tous les deux.
ARGYRIPPE. Liban, mon cher patron, donne-moi cela. C’est à l’affranchi plutôt qu’au maître à porter les paquets.
PHILÉNIE. Cher Liban, ma petite prunelle d’or, la perle des amours, tiens, je ferai tout ce que tu voudras, mais donne-nous cet argent.
LIBAN. Appelle-moi donc ton petit canard, ta colombe, ton petit chien, ton hirondelle, ta corneille, ton passereau, ton poupon. Change-moi en serpent, que je sente deux langues dans ma bouche, et jette-moi tendrement les deux bras autour du cou.
ARGYRIPPE. Qu’elle t’embrasse, bourreau !
LIBAN. La belle affaire ! Vous, pour vous apprendre à me parler si malhonnêtement, vous allez me porter sur votre dos, à moins que vous ne teniez pas à avoir l’argent.
ARGYRIPPE. Moi te porter !
LIBAN. Autrement, vous n’aurez rien de moi.
ARGYRIPPE. Ah ! je suis à bout ! Quelle indignité ! un maître servir de monture à son esclave ! Allons, grimpe.
LIBAN. Et voilà comme on rabat l’orgueil de ces personnages. Tenez-vous donc comme quand vous étiez enfant ; comprenez-vous ? là, comme cela. Bien, je suis content ; on aurait de la peine à trouver un cheval plus docile.
ARGYRIPPE. Monte vite.
LIBAN. M’y voilà. Eh bien, qu’est-ce à dire ? On va, au pas ! Eh ! qu’on prenne le trot, si on veut avoir toute sa ration d’orge.