LE PARASITE. Eh bien, voici mon avis : il est plus convenable que ce soit moi qui dévoile le mystère ; si c’était vous, elle croirait que vous agissez par dépit amoureux plutôt que par intérêt pour elle.
DIABOLE. Parfaitement dit ! Arrange-toi donc pour que le bonhomme ait tapage et querelle ; raconte qu’il est à table avec son fils, en plein jour, près de la même maitresse, et qu’il vole sa femme.
LE PARASITE. Assez de recommandations ; je m’en charge.
DIABOLE. Et moi je vais t’attendre à la maison.
ACTE V.
ARGYRIPPE. Allons, mon père, à table !
DÉMÉNÈTE. À tes ordres, mon fils.
ARGYRIPPE. Qu’on nous serve.
DÉMÉNÈTE, montrant Philénie. Est-ce que cela te fera de la peine, mon enfant, qu’elle se couche auprès de moi ?
ARGYRIPPE. Ma tendresse pour vous, mon père, m’empêche de me chagriner : bien que je l’aime, je puis me résigner sans peine à la voir couchée près de vous.
DÉMÉNÈTE. Ce respect, Argyrippe, sied bien à un jeune homme.
ARGYRIPPE. Je ne fais ici, mon père, que ce que vous méritez.
DÉMÉNÈTE. Çà, animons ce repas par le vin et les doux propos ; ce que je veux, mon fils, c’est que tu m’aimes, et non que tu me craignes.
ARGYRIPPE. J’ai pour vous ces deux sentiments, comme il convient à un fils.
DÉMÉNÈTE. Je le croirai, si je te vois joyeux.
ARGYRIPPE. Croyez-vous donc que je sois triste ?
DÉMÉNÈTE. Si je le crois ? tu as l’air consterné comme un homme qui vient de recevoir une assignation.
ARGYRIPPE. Ne dites pas cela !
DÉMÉNÈTE. Ne sois pas ainsi, et je ne le dirai plus.
ARGYRIPPE. Tenez, voyez ! je ris.
DÉMÉNÈTE. Puissent mes ennemis rire de la sorte !