STAPHYLA. Je rentre et me tais.
EUCLION. Et mets bien les deux verrous. Je ne fais qu’aller et venir. (Staphyla rentre.)
J’enrage d’être obligé de m’absenter. C’est bien malgré moi, mais j’ai affaire. Le chef de notre curie a fait annoncer une distribution d’argent ; si je ne me présente pas pour avoir ma part, on me soupçonnera bien vite d’avoir de l’or chez moi. Quelle apparence qu’un pauvre homme fasse fi même d’une obole ? J’ai beau m’intriguer pour cacher mon secret, il semble que tout le monde le sache ; on me salue avec plus de politesse qu’autrefois ; on m’aborde, on s’arrête ; on me donne la main ; on s’informe de ma santé, de mes affaires. Mais allons vite là-bas, pour revenir encore plus vite.
ACTE II.
EUNOMIE. Ce que je vous en dis, mon frère, croyez-le bien, c’est par affection et dans votre intérêt, comme il convient à une bonne sœur. Je n’ignore pas que nous avons la réputation, nous autres femmes, d’être tint soit peu importunes. On nous trouve passablement bavardes, et l’on n’a pas tout à fait tort ; on dit même qu’on n’a jamais vil de femme muette. Mais, mon frère, après tout, songez-y, nous sommes l’un à l’autre nos plus proches parents. Il est juste que chacun de nous se préoccupe du bonheur de l’autre, et le conseille, et ne se taise pas par timidité ; nous ne devons rien nous cacher. C’est pour cela que je vous ai pris ici en particulier ; je veux vous entretenir de vos intérêts.
MÉGADORE. Touchez là, excellente femme !
EUNOMIE, regardant autour d’elle. Où est-elle ? qui est cette excellente femme ?
MÉGADORE. Eh ! vous-même.
EUNOMIE. Moi ?
MÉGADORE. Si vous dites non, je me rétracte.