Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que vous désirez ; mais accordez-moi à votre tour une attention favorable. Je suis un des dieux de la nature, le nourricier du grand Bacchus, qui établit autrefois son empire avec une armée de femmes. C’est par mon conseil qu’il a exécuté tout ce que racontent de merveilleux les nations qui lui sont soumises. Jamais ce que je trouve à propos ne lui déplaît ; il est bien juste aussi que le père commun obéisse à son père. Les comédiens de l’Ionie m’appelaient le cavalier sur l’âne, à cause de la monture dont je me sers sur mes vieux jours ; vous savez qui je suis ; si vous m’avez compris, permettez-moi de vous dire le nom de cette comédie tranquille. Philémon composa autrefois cette pièce en grec, et on la nommait en cette langue les Évantides ; mais Plaute l’a appelée dans la sienne Bacchides. Ne soyez donc pas surpris si je parais ici aujourd’hui, puisque Bacchus vous envoie les Bacchides, qui sont de vraies bacchantes, et que c’est moi qui vous les apporte. Quoi ! en ai-je menti ? Cela ne conviendrait pas à un dieu ; je vous dis la vérité : toutefois ce n’est pas moi qui les porte, mais cet animal lascif que je monte ; il est fatigué, car il porte trois personnes, si j’ai bonne mémoire. Vous en voyez une (il se désigne lui-même). Regardez à présent celles que j’ai sur les lèvres ; je veux dire les deux sœurs Bacchis, de Samos, jolies courtisanes, nées à la même époque, des mêmes parents et d’une seule couche : elles se ressemblent comme deux gouttes de lait, ou comme deux gouttes d’eau ; on les prendrait pour deux moitiés d’un même tout : tant il est difficile, en les regardant, de ne pas s’y tromper et de ne pas prendre l’une pour l’autre. Vous attendez ce qui reste à vous apprendre : faites donc silence et je vais vous expliquer le sujet de cette comédie. Samos est un pays que vous connaissez tous ; car il n’y a point de mers, de terres, de montagnes ni d’iles où vos légions ne se soient ouvert un passage. Là Sostrate a eu de son mari Pyrgotélès-Pyroclès ces jeunes filles nées le même jour. Comme le père et la mère étaient initiés aux mystères de Bacchus, il leur a plu d’appeler leurs filles Bacchis, du nom de ce dieu, pour marquer, comme on le fait assez souvent, leur naissance par d’aussi favorables auspices. Un capitaine en avait conduit une en Crète ; l’autre s’était embarquée pour Athènes. Mnésiloque, fils de Nicobule, ne l’eut pas plus tôt aperçue, qu’il en devint amoureux et lui rendit des visites fréquentes. Cependant le père de ce jeune homme l’envoya à Éphèse, pour en rapporter une somme qu’il avait déposée depuis longtemps chez un nommé Archidémide, vieillard