Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/163

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BACCHIS I. Sur de bonnes choses.

PISTOCLÈRE. Grande merveille chez des femmes galantes.

BACCHIS II. Ah ! les pauvres femmes sont bien à plaindre !

PISTOCLÈRE. Eh ! n’ont-elles pas ce qu’elles méritent ?

BACCHIS II. En voici une qui me prie de lui trouver quelqu’un qui la protège contre son militaire et qui la lui fasse ramener chez nous quand elle aura achevé auprès de lui son service. Ne voulez-vous pas être ce protecteur ? je vous aimerais tant !

PISTOCLÈRE. En quoi son protecteur ?

BACCHIS I. Pour qu’il la ramène chez nous, quand son temps sera fini, et ne la retienne pas en esclavage. Si elle avait de l’argent pour le rembourser, elle le ferait de grand cœur.

PISTOCLÈRE. Où est-il maintenant, ce militaire ?

BACCHIS I. Il va bientôt arriver, je crois ; mais nous pourrons en causer plus à l’aise chez nous, où vous l’attendrez tranquillement. Par la même occasion, vous boirez avec nous, et, quand vous aurez bu, je vous donnerai un bon gros baiser.

PISTOCLÈRE. Vos belles avances sont de la glu toute pure.

BACCHIS I. Comment cela ?

PISTOCLÈRE. Je m’aperçois bien que vous voulez toutes les deux attraper un pigeon. Ah ! tenez, j’en ai déjà dans l’aile. Non, non, chère femme, c’est une affaire qui ne me semble pas des meilleures pour moi.

BACCHIS I. Et pourquoi cela, s’il vous plaît ?

PISTOCLÈRE. Parce que, Bacchis, je crains les. bacchantes et les bacchanales.

BACCHIS I. Mais que pouvez-vous craindre ? que ma table ne vous mette à mal ?

PISTOCLÈRE. Eh ! votre table m’effraye moins que vos appas ; allez, vous êtes une méchante bête. À mon âge, ma toute belle, on ne se trouve pas bien de chercher les petits coins.

BACCHIS I. Si vous voulez faire chez moi quelque sottise, je saurai bien vous en empocher. Mais voici pourquoi je voudrais vous avoir près de moi quand le militaire viendra : en votre présence on ne nous maltraitera ni l’une ni l’autre. Tous nous défendrez, et en même temps vous rendrez service à votre ami. Le militaire supposera que je suis votre maîtresse. Eh bien, vous vous taisez ?

PISTOCLÈRE. Ce sont là de charmantes paroles ; mais quand on en vient aux effets et qu’on en fait l’épreuve, ce sont des traits qui déchirent le cœur et la bourse, qui tuent les mœurs et la réputation.