Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/164

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BACCHIS II. Que pouvez-vous craindre d’elle ?

PISTOCLÈRE. Ce que je peux craindre ? belle demande ! Un jeune homme entrer dans un gymnase de cette espèce, où l’on s’escrime à ruiner sa fortune, où les palets sont de beaux écus, et le but de la course le déshonneur ?

BACCHIS II. Vous voulez rire.

PISTOCLÈRE. Où l’on me mettrait en main, au lieu d’épée, une tourterelle, où l’on me présenterait une coupe en guise de ceste, un verre au lieu de casque, une couronne de fleurs pour panache, un dé pour javelot ; pour cuirasse un manteau moelleux ; pour cheval de bataille un lit, et pour bouclier une coquine couchée côte à côte avec moi ! Ah ! fi, fi !

BACCHIS I. Vous êtes aussi par trop prude.

PISTOCLÈRE. Cela me regarde.

BACCHIS I. Vous avez besoin qu’on vous apprivoise, je m’en charge.

PISTOCLÈRE. Vos leçons coûtent trop cher.

BACCHIS. Faites semblant de m’aimer.

PISTOCLÈRE. Pour rire, ou pour tout de bon ?

BACCHIS I. Bah ! il vaut mieux y aller de franc jeu. Quand le militaire arrivera, je veux que vous m’embrassiez.

PISTOCLÈRE. À quoi sert ?

BACCHIS I. Pour qu’il vous voie. Je sais ce que je fais.

PISTOCLÈRE. Et moi ce que je crains. Mais dites-moi.

BACCHIS I. Qu’est-ce ?

PISTOCLÈRE. S’il vous arrivait tout à coup un dîner, ou des rafraîchissements, ou un goûter, comme cela se passe volontiers dans vos réunions, où me mettrais-je à table ?

BACCHIS I. Près de moi, mon petit cœur, pour qu’on voie un joli garçon près d’une jolie fille. Au surplus, vous pouvez venir nous surprendre, la place chez nous est toujours libre. Quand vous voudrez vous donner du bon temps, mon cher bouton de rose, vous n’avez qu’un mot à dire ; vous fournirez le régal, et moi je vous trouverai un bon petit endroit, où vous serez à merveille.

PISTOCLÈRE. Il y a par ici un torrent bien rapide ; il n’est pas aisé de le franchir.

BACCHIS I. Eh ! ne faut-il pas toujours que le courant emporte quelque chose ? Voyons, la main, et venez avec moi.

PISTOCLÈRE. Non, sur mon âme.

BACCHIS I. Pourquoi donc ?

PISTOCLÈRE. Parce que c’en est trop pour tourner la tête d’un jeune homme : la nuit, une femme, le vin !