PISTOCLÈRE. Ici.
LYDUS. Comment, ici ? Qui demeure dans cette maison ?
PISTOCLÈRE. L’Amour, la Volupté, Vénus, la Grâce, la Joie, les Jeux, les Ris, les Doux Propos, le Tendre Baiser.
LYDUS. Eh ! qu’avez-vous affaire avec ces fléaux ?
PISTOCLÈRE. Il n’y a qu’un méchant homme qui parle mal des gens de bien. Vous, vous outragez jusqu’aux dieux : vous avez tort.
LYDUS. Il y a donc un dieu qui s’appelle Tendre Baiser ?
PISTOCLÈRE. Vous ne le saviez pas ? Ah ! Lydus, êtes-vous barbare, vous que je croyais plus sage que Thalès ! Allons, vous êtes plus borné que le stupide Potitius[1], si à votre âge vous ne savez pas les noms de nos dieux.
LYDUS. Cet accoutrement ne me sourit guère.
PISTOCLÈRE. Aussi n’est-ce pas pour vous qu’on l’a pris, mais bien pour moi, et tel qu’il est, il me plaît.
LYDUS. C’est ainsi que vous raisonnez à ma barbe ! quand vous auriez dix langues, il vous siérait mieux de rester muet.
PISTOCLÈRE. Mon cher Lydus, il vient un âge où l’on ne va plus à l’école. En ce moment, je n’ai qu’une chose dans la tête : c’est que le cuisinier nous apprête dignement ces mets délicats.
LYDUS. Vous vous perdez, vous me perdez aussi ; et voilà le résultat de mes soins et des bonnes leçons que je vous ai prodiguées !
PISTOCLÈRE. Nous avons tous deux perdu notre temps, et vos leçons n’ont servi ni à vous ni à moi.
LYDUS. Pauvre cœur ensorcelé !
PISTOCLÈRE. Vous êtes assommant. Allons, Lydus, taisez-vous et suivez-moi.
LYDUS. Voyez, il ne m’appelle plus son gouverneur, mais tout bonnement Lydus.
PISTOCLÈRE. Il serait peu convenable, ce me semble, quand le maître va être installé là dedans, couché près de sa maitresse et l’embrassant au milieu de joyeux convives, qu’il y eût devant eux un gouverneur.
LYDUS. Comment ! c’est pour cela que vous avez acheté ces provisions ?
PISTOCLÈRE. Je l’espère ; mais l’événement dépend des dieux.
LYDUS. Vous aurez une maitresse, vous ?
- ↑ Personnage dont la sottise était proverbiale à Rome, comme la sagesse de Thalès à Athènes.