Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

verte, c’est le pire des maux. Si tu fais semblant d’être mon maître et moi d’être ton esclave, il nous faut de la vigilance, de la prudence, du sang-froid, de l’attention, de l’habileté, de l’activité, pour tromper nos espions. L’entreprise est difficile, ce n’est pas le moment de s’endormir.

TYNDARE. Je serai tel que vous désirerez.

PHILOCRATE. Je l’espère.

TYNDARE. Vous voyez que pour sauver votre chère personne j’expose la mienne, qui m’est bien chère aussi.

PHILOCRATE. Je le sais.

TYNDARE. Souvenez-vous-en quand vous aurez obtenu ce que vous voulez. Car la plupart des hommes sont ainsi faits : tant qu’ils poursuivent le but, ce sont les meilleures gens du monde ; l'ont-ils atteint, ils deviennent tout à coup les plus méchants et les plus fourbes des mortels. Mais vous êtes pour moi, je pense, dans les dispositions où je vous souhaite. Je vous conseillerai comme je conseillerais mon propre père.

PHILOCRATE. Ah ! c’est bien toi, si je l’osais, que j’appellerais mon père : car, en vérité, tu es un second père pour moi.

TYNDARE. J’entends.

PHILOCRATE. Et je te le répète pour que tu t’en souviennes ; je ne suis plus ton maître, mais ton esclave. Puisqu’il a plu aux dieux immortels que celui qui était ton maître soit devenu ton compagnon de servitude, je ne te commande plus, comme j’en avais le droit, mais je te prie, je te supplie, par les caprices de la fortune, par la bonté de mon père envers toi, par ce commun esclavage où nous ont réduits nos ennemis, d’avoir pour moi autant d’égards que j’en ai eu pour toi quand tu étais mon esclave, et de te rappeler ce que tu as été et ce que tu es aujourd’hui.

TYNDARE. Je sais que je suis vous et que vous êtes moi.

PHILOCRATE. Si tu peux ne jamais l’oublier, j’ai bon espoir en notre ruse.


SCÈNE II. — HÉGION, PHILOCRATE, TYNDARE, ESCLAVES.


HÉGION, parlant à quelqu’un dans la maison. Je reviens dès que j’aurai appris d’eux ce que je veux savoir. (Aux esclaves.) Où sont ces captifs que j’avais ordonné d’amener devant la maison ?

PHILOCRATE. Certes, vous avez pris vos mesures pour n’avoir