Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/233

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ARISTOPHONTE. Pendard, tu oses encore me calomnier ! Est-ce que je ne te connais pas ?

HÉGION. Eh non, tu ne le connais point, c’est bien clair, puisque tu l’appelles Tyndare au lieu de Philocrate. Tu ne reconnais pas celui que tu vois ; tu nommes celui que tu ne vois pas.

ARISTOPHONTE. C’est lui, au contraire, qui se fait passer pour ce qu’il n’est pas, et qui nie ce qu’il est en effet.

TYNDARE. C’est bien toi qui l’emporteras sur Philocrate en sincérité !

ARISTOPHONTE. C’est bien toi, à ce que je puis voir, qui triompheras de la vérité par tes mensonges ! Çà, voyons, regarde-moi.

TYNDARE. Eh bien ?

ARISTOPHONTE. Tu n’es pas Tyndare, n’est-ce pas ?

TYNDARE. Non certes.

ARISTOPHONTE. Tu soutiens que tu es Philocrate ?

TYNDARE. Vraiment oui.

ARISTOPHONTE, à Hégion. Vous le croyez ?

HÉGION. Plus que toi, plus que moi-même. Car celui avec qui tu le confonds est parti aujourd’hui pour aller trouver son père en Élide.

ARISTOPHONTE. Son père ! le père d’un esclave !

TYNDARE. Toi aussi, tu es esclave, bien que tu aies été libre, comme j’espère le redevenir quand j’aurai rendu la liberté au fils d’Hégion.

ARISTOPHONTE. Comment, maraud, tu te vantes d’être né libre !

TYNDARE. Je ne dis pas que je suis libre, mais Philocrate.

ARISTOPHONTE. Qu’est-ce à dire ?

HÉGION, comme ce coquin se moque de vous ! Il est esclave de naissance, et n’a jamais eu d’autre esclave que lui-même.

TYNDARE. Parce que tu n’es qu’un gueux dans ton pays et que tu n’as pas chez toi de quoi vivre, tu veux que tout le monde te ressemble ; rien d’étonnant à cela. Le malheur rend l’homme malveillant et jaloux du bien d’autrui.

ARISTOPHONTE. Hégion, ne vous mettez pas à le croire trop légèrement. Je commence à soupçonner qu’il vient de faire quelque bel exploit. Il promet de racheter votre fils, cela ne me plaît pas.

TYNDARE. Tu voudrais bien qu’il n’en fût rien ; mais j’y parviendrai, avec l’aide des dieux. Je lui rendrai son fils et il