Aller au contenu

Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/25

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’intrigue ou à la perfidie : et pourquoi le comédien ne serait-il pas soumis à la même loi que le grand citoyen ? Il faut solliciter par son mérite, jamais par une cabale ; quiconque fait bien a toujours assez de partisans, pourvu qu’il ait affaire à des juges impartiaux. Il veut de plus que l’on donne des surveillants aux acteurs, et s’il s’en trouve qui aient aposté des gens pour les applaudir ou pour nuire au succès de leurs camarades, qu’on leur arrache leur costume et qu’on les fouette à tour de bras.

Ne soyez pas surpris que Jupiter s’occupe tant des comédiens ; il n’y a pas de quoi vous étonner : il va jouer lui-même dans cette pièce. Eh ! vous voilà tout ébahis, comme si c’était d’aujourd’hui que Jupiter joue la comédie. L’an dernier, quand les acteurs l’invoquèrent sur la scène, ne vint-il pas à leur aide ? et d’ailleurs ne parait-il pas dans les tragédies ? Oui, je vous le répète, Jupiter en personne aura son rôle, et moi aussi. Attention, à présent ; je vais vous dire le sujet de la pièce.

Cette ville que vous voyez, c’est Thèbes. Cette maison est celle d’Amphitryon ; né dans Argos d’un père argien, il a épousé Alcmène, fille d’Électryon. Cet Amphitryon est maintenant à la tête de l’armée ; car le peuple thébain est en guerre avec les Téléboens[1]. En partant pour rejoindre ses légions, il a laissé sa femme Alcmène enceinte. Vous n’ignorez pas sans doute quel est mon père, combien il se gêne peu en ces sortes d’aventures, et une fois qu’il aime, ce qui n’est pas rare, comme il y va de tout cœur. Il s’est donc mis à aimer Alcmène, et, sans que le mari s’en doute, il a pris possession de la belle ; il l’a engrossée à son tour. Or, pour que vous sachiez au juste le fait d’Alcmène, elle est doublement enceinte, de son mari et du puissant Jupiter. Mon père en ce moment est là dedans, couché avec elle ; et cette nuit a été prolongée pour qu’il puisse la caresser tout à son aise, car il s’est donné les traits d’Amphitryon.

Quant à moi, ne soyez pas surpris si je me montre à vous dans ce costume, avec cet accoutrement d’esclave. Nous voulons rajeunir une vieille, vieille histoire, et c’est pour cela que j’ai fait choix d’un ajustement nouveau. Mon père est donc là, dans la maison ; il a si bien pris la figure d’Amphitryon, que tous les esclaves qui l’aperçoivent pensent voir leur maître :

  1. Ou habitants de Taphos. Ils avaient égorgé les frères d’Alcmène, et ce fut le sujet de la guerre.