tant il est habile à changer de peau, quand il lui plaît ! Moi, j’ai emprunté la ressemblance de Sosie, qui est allé à l’armée avec Amphitryon ; de cette façon, je peux servir les amours de mon père, et les serviteurs, en me voyant aller et venir- dans la maison, ne demanderont pas qui je suis. Ils me tiendront pour un de leurs camarades, iet on ne me dira pas : « Qui es-tu ? que viens-tu faire ici ? » Ainsi, mon père, en ce moment, savoure les baisers de son amie ; il repose dans les bras de celle qu’il préfère entre toutes. Il lui raconte tout ce qui s’est fait là-bas à l’armée, et Alcmène, couchée avec son amant, se croit aux côtés de son mari. Il lui dit comment il a mis en fuite les bataillons ennemis, comment on lui a fait de riches» présents. Nous avons enlevé ces présents qu’Amphitryon a reçus là-bas : il est si facile à mon père de faire ce qu’il veut !
Amphitryon va revenir aujourd’hui de l’armée, avec l’esclave dont j’ai pris la ressemblance. Pour que vous puissiez toujours nous reconnaître, je garderai ces plumes à mon chapeau ; mon père aura sous le sien un cordon d’or, Amphitryon n’en aura point. Les gens de la maison ne verront pas ces signes, mais vous, vous les verrez.
Eh ! voici l’esclave d’Amphitryon, Sosie, qui arrive du port avec une lanterne. Je l’éloignerai de la maison. Le voilà ; il frappe. Pour vous, vous allez avoir le plaisir de voir Jupiter et Mercure jouer la comédie.
ACTE I.
SOSIE. Quel courage ou plutôt quelle audace, quand on sait comment se comporte notre jeunesse[1], de se mettre en route seul, la nuit, à l’heure qu’il est ! Et que deviendrais-je, si les triumvirs[2]) me jetaient en prison ? Demain on me sortirait de ma cage pour me fouetter importance ; et pas un mot à dire pour ma défense, et rien à attendre de mon maître, et pas une bonne âme qui ne criât que c’est bien fait ! En attendant, huit solides gaillards frapperaient sur mon pauvre dos comme sur une