non sur les récits d’autrui. Depuis que j’aime Casina, je suis plus élégant que l’élégance même. Je tourmente tous les parfumeurs ; si je trouve une essence délicieuse, je m’en arrose pour lui plaire ; et je lui plais, ou je me trompe fort. Mais ma femme vit pour mon supplice. (Apercevant Cléostrate.) La voilà ; elle est toute triste ! Allons, il faut encore amadouer la méchante bête. Ma femme, mon cher amour, qu’as-tu donc ?
CLÉOSTRATE. Arrière ! à bas les mains !
STALINON. Eh ! là, ma Junon, sied-il bien d’être si revêche à son Jupiter ? Tu t’éloignes ?
CLÉOSTRATE. Laissez-moi.
STALINON. Reste là.
CLÉOSTRATE. Je-ne resterai point.
STALINON. Eh bien, je te suivrai donc.
CLÉOSTRATE. Dites-moi, êtes-vous dans votre bon sens ?
STALINON. Oui, puisque je t’aime.
CLÉOSTRATE. Je ne veux point qu’on m’aime.
STALINON. Tu ne saurais m’en empêcher.
CLÉOSTRATE. Vous me faites mourir.
STALINON, à part. Puisses-tu dire vrai !
CLÉOSTRATE, qui l’a entendu. Oh ! là-dessus, je vous crois.
STALINON. Regarde-moi, charme de mes jours.
CLÉOSTRATE. Oui, comme vous êtes le charme des miens. Et dites-moi, d’où vient cette senteur de parfums ?
STALINON, à part. Je suis perdu, me voilà pris ! Vite, que je m’essuie la tête avec mon manteau. La peste soit de toi, maudit parfumeur qui m’as fait ce présent !
CLÉOSTRATE. Eh bien, vaurien, vieille punaise à tête blanche… je ne sais qui me retient de te dire tes vérités… À ton âge, vilain efféminé, courir ainsi les rues tout gras d’essences !
STALINON. Eh non ; c’est que j’ai accompagné un de mes amis qui achetait des parfums.
CLÉOSTRATE. Belle invention, et à point nommé ! N’as-tu pas du honte ?
STALINON. Comme tu voudras.
CLÉOSTRATE. Dans quel repaire t’es-tu allé vautrer ?
STALINON. Moi, dans un repaire ?
CLÉOSTRATE. Je suis mieux instruite que tu ne crois.
STALINON. Qu’est-ce à dire ? Que sais-tu ?
CLÉOSTRATE. Que tu es le plus corrompu de tous les vieillards. D’où viens-tu, mauvais sujet ? où étais-tu ? dans quel