Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/27

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enclume : belle réception que me ferait ma patrie à mon retour ! Voilà pourtant à quoi m’expose la dureté de mon maître ! m’envoyer du port ici, bon gré mal gré, au beau milieu de la nuit ! Ne pouvait-il pas attendre qu’il fût jour ? Ô la dure condition que le service des riches ! et que l’esclave d’un grand est à plaindre ! Le jour, la nuit, ce sont mille choses à dire ou à faire ; pas de repos, pas de trêve ! Le maître se croise les bras, mais ne ménage pas nos peines ; tout ce qui lui passe par la tête lui semble possible, lui paraît juste ; il s’inquiète bien vraiment du mal qu’il nous donne, et si ses ordres sont raisonnables ou non ! Aussi que d’injustices dont pâtit le pauvre esclave ! mais, malgré qu’on en ait, il faut porter son fardeau.

MERCURE, à part. N’ai-je pas plus sujet que lui de maudire la servitude, moi, libre encore ce matin, et que mon père a réduit à servir ? Un esclave de naissance ose se plaindre, tandis que me voilà changé en maroufle dont le dos attend les étrivières !

SOSIE. Mais quelle idée ! Si je rendais grâce aux dieux de mon retour et de leurs bienfaits ? Ma foi, s’ils me traitaient selon mes mérites, ils m’enverraient quelque brutal qui me labourerait le museau à coups de poing ; car j’ai été bien ingrat pour toutes leurs bontés.

MERCURE, à part. En voilà un d’une espèce rare, il sait ce qui devrait lui revenir.

SOSIE. Je n’y comptais guère, et nos citoyens non plus ; mais enfin, par belle chance, nous voilà revenus chez nous sains et saufs. Nos légions ont battu l’ennemi à plate couture, et rentrent au pays victorieuses et triomphantes ; elles ont mené à fin une terrible guerre, qui a coûté aux Thébains bien du sang et bien des larmes. La ville a été emportée, grâce à la vigueur et au courage de nos soldats, sous le commandement et sous les auspices d’Amphitryon mon maître. Il a comblé ses concitoyens de butin, de terres et de gloire, et affermi dans Thèbes le trône du roi Créon. Moi, j’arrive du port, car il m’a dépêché en avant pour annoncer à sa femme l’heureux succès que nos armes doivent à son habileté et à sa fortune. Mais voyons comment, quand je serai là devant elle, je m’acquitterai dé mon ambassade. Si je mens, je suivrai ma louable coutume. Plus les autres étaient ardents au combat, plus je l’étais à la fuite. N’importe, j’en veux parler comme témoin oculaire, je répéterai ce qu’on m’a dit. Çà, repassons mon rôle : de quel air, en quels termes commencerai-je mon récit ? Bon ! je tiens le début : « Nous arri-