PHÉDROME. Oh ! pas grand’chose, un quarfaut.
PALINURE. Par Pollux, si l’on vous en croit, la vendange d’une année ne suffirait pas à la vieille ivrognesse. Elle aurait fait une excellente chienne de chasse ; elle a le nez fin.
LA VIEILLE. Dites-moi, quelle est cette voix qui se fait entendre ?
PHÉDROME, à Palinure. C’est le moment de l’aborder, avançons. (À la vieille.) Viens et regarde de mon côté, vieille pourvoyeuse.
LA VIEILLE. Qui êtes-vous, mon général ?
PHÉDROME. Le dieu du vin, le joyeux Bacchus ; tu craches, tu as le gosier sec, tu dors à moitié : il t’apporte à boire pour te remettre.
LA VIEILLE. Est-il loin de moi ?
PHÉDROME. Vois cette lumière.
LA VIEILLE. Faites donc une bonne enjambée de mon côté, je vous prie.
PHÉDROME, s’approchant. Salut.
LA VIEILLE. Eh ! quel salut est possible pour moi, quand je crève de soif ?
PHÉDROME. Tu vas boire.
LA VIEILLE. C’est bien long.
PHÉDROME. Tiens, charmante enfant.
LA VIEILLE. Salut, prunelle de mes yeux.
PALINURE. Allons, verse vite dans le gouffre, arrose le cloaque.
PHÉDROME. Tais-toi ; je ne veux pas qu’on lui dise du mal.
PALINURE. J’aimerais bien mieux lui en faire.
LA VIEILLE. Ô Vénus, je te donnerai une gouttelette de cette goutte, bien malgré moi ; les amants, quand ils boivent, ont de quoi te verser largement : mais moi, je n’ai pas souvent de pareilles aubaines.
PALINURE. Voyez comme la coquine s’entonne avidement le vin tout pur, à plein gosier !
PHÉDROME. Je suis perdu, je ne sais par où commencer.
PALINURE. Eh bien dites-lui ce que vous venez de me dire.
PHÉDROME. Quoi donc ?
PALINURE. Que vous êtes perdu.
PHÉDROME. La peste t’étouffe !
PALINURE. Dites-lui cela, à elle.
LA VIEILLE, reprenant haleine. Ouf !
PALINURE. Qu’est-ce ? tu es contente ?