PHÉDROME. Bref, c’est une ivrognesse achevée ; j’asperge la porte de vin, aussitôt elle reconnaît à l’odeur que je suis là, et elle m’ouvre.
PALINURE. Et c’est pour elle qu’on apporte ce broc tout plein ?
PHÉDROME. Avec ta permission.
PALINURE. Non pas, par Hercule ; je voudrais voir crever celui qui le lui porte ; je croyais que c’était pour nous.
PHÉDROME. Tais-toi ; si elle en a de trop, nous nous en contenterons.
PALINURE. Quel fleuve ! la mer ne le contiendrait pas.
PHÉDROME. Viens avec moi près de la porte, Palinure ; obéis.
PALINURE. Je le veux bien.
PHÉDROME. Ça, buvez, porte joyeuse, arrosez-vous et soyez-moi propice !
PALINURE, contrefaisant Phédrome. Voulez-vous des olives, du ragoût, des câpres[1] ?
PHÉDROME. Éveillez votre gardienne, envoyez-la-moi.
PALINURE. Vous versez tout ! perdez-vous la tête ?
PHÉDROME. Laisse… Vois-tu comme elle s’ouvre, cette porte mignonne ? Les gonds restent muets ; qu’ils sont gentils !
PALINURE. Eh ! que ne les embrassez-vous ?
PHÉDROME. Silence ! cachons la lumière et taisons-nous.
PALINURE. Soit.
LA VIEILLE. Un bouquet de vieux vin m’a caressé les narines. L’amour que je lui porte m’entraîne ici au milieu des ténèbres. Où est-il ? où ? près de moi. Ah ! je le tiens. Salut, âme de ma vie, délices de Bacchus : que j’aime ta vieillesse ! Au prix de toi, pas de parfum qui ne soulève le cœur. Tu es pour moi l’essence de myrrhe, le cinnamome, la rosé, le safran, la cannelle, l’amandier : où tu coules, je voudrais être ensevelie. Mais, douce odeur, maintenant que tu as charmé mon nez, réjouis aussi mon gosier. Ce n’est pas toi que je veux : où est-il, lui ? je veux le tenir, humer à longs traits ce nectar. (Phédrome s’éloigne.) Mais il s’éloigne, suivons-le.
PHÉDROME, à Palinure. La vieille a soif.
PALINURE. Et que représente sa soif ?
- ↑ Pour exciter la soif.