Vous êtes sourds, verrous maudits !
Voyez comme ils sont immobiles.
J’ai beau faire, ils sont engourdis.
Mes vœux, mes chants, sont inutiles.
Méchants verrous,
Ouvrez-vous !
(À Palinure.) Paix, paix !
PALINURE. Eh ! l’on se tait de reste : qu’avez-vous ?
PHÉDROME. J’entends du bruit. Enfin, grâce aux dieux, les verrous cèdent à ma prière.
LA VIEILLE. Sortez doucement ; prenez garde que la porte ne fasse du bruit, que les gonds ne crient ; il ne faut pas, ma petite Planésie, que le maître s’aperçoive de ce que nous faisons. Attendez, que je lui verse un peu d’eau.
PALINURE, à Phédrome. Voyez comme cette vieille, avec sa tête branlante, entend la médecine ; elle sait fort bien boire le vin elle-même, mais la porte, elle ne lui donne que de l’eau à boire.
PLANÉSIE. Où es-tu, toi qui m’as citée au nom de Vénus ? où es-tu, toi qui m’as envoyé une assignation amoureuse ? me voici. Je comparais devant toi ; il est juste qu’à ton tour tu répondes à ma sommation.
PHÉDROME. Je suis présent ; si je faisais défaut, je consentirais à être puni, ma douce amie.
PLANÉSIE. Chère âme, si tu m’aimes, convient-il de te tenir si loin de moi ?
PHÉDROME. Palinure, Palinure !
PALINURE. Qu’est-ce ? pourquoi appelez-vous Palinure ?
PHÉDROME. Qu’elle est charmante !
PALINURE. Trop charmante.
PHÉDROME. Je suis un dieu.
PALINURE. Non, mais un homme qui ne vaut pas cher.
PHÉDROME. As-tu jamais vu, verras-tu jamais quelqu’un qui puisse plus justement se comparer aux dieux ?
PALINURE. Je vois que vous êtes malade, et cela m’afflige.
PHÉDROME. Tu es un impertinent, tais-toi.
PALINURE. Il est son propre bourreau, l’homme qui voit l’objet aimé et qui n’en jouit pas à l’occasion.