Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/335

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PHÉDROME. Je suis heureux de te voir revenir bien portant. Ta main ! Où en sont mes espérances ? parle, de grâce.

CHARANÇON. Et les miennes, parlez, de grâce, où en sont-elles ?

PHÉDROME. Qu’as-tu ?

CHARANÇON. Mes yeux se voilent, mes genoux se dérobent de besoin.

PHÉDROME. C’est plutôt de fatigue, je pense.

CHARANÇON. Soutenez-moi, soutenez-moi, je vous en supplie.

PHÉDROME, à Palinure. Vois comme il pâlit. Vite, qu’on lui donne un siège pour s’asseoir, et une cruche d’eau ! Allons donc !

CHARANÇON. Je m’évanouis.

PHÉDROME. Veux-tu de l’eau ?

CHARANÇON. Oh ! s’il y nage quelque bon morceau, oui, donnez que je l’avale.

PHÉDROME. La peste t’étrangle !

CHARANÇON. Par pitié, rafraîchissez-moi pour me remettre[1]

PHÉDROME. Volontiers. (Il se met à l’éventer avec Phédrome.)

CHARANÇON. Que faites-vous là ?

PHÉDROME. Nous te rafraîchissons.

CHARANÇON. Oh ! je ne veux pas qu’on me fasse du vent.

PHÉDROME. Que veux-tu donc ?

CHARANÇON. À manger ; c’est ce qui me remettra.

PHÉDROME. Que Jupiter et les dieux te confondent !

CHARANÇON. C’est fait de moi ; je n’y vois plus, j’ai la bouche amère, les dents rouillées, le gosier empâté par la faim, tous mes pauvres boyaux sont vides.

PHÉDROME. Tout à l’heure tu mangeras quelque chose.

CHARANÇON. Par Hercule, ce n’est pas quelque chose qu’il me faut ; j’aime mieux du positif.

PHÉDROME. Eh ! si tu savais tout ce qui nous reste !

CHARANÇON. J’ai bonne envie de savoir où ils sont, ces restes ; mes dents ont besoin de faire connaissance avec eux.

PHÉDROME. Des jambons, du gras double, une échine de porc, une tétine de truie.

CHARANÇON. Tout cela ! dans le saloir sans doute.

PHÉDROME. Non pas, sur des plats. On a fait des préparatifs quand on a su ton arrivée.

  1. Il y a ici un jeu de mots intraduisible sur facile ventum ut gaudeam, signifiant également faites-moi du vent pour que je me trouve bien, et faites que je sois content d’être arrivé.