Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/336

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CHARANÇON. Ne vous moquez pas de moi, au moins.

PHÉDROME. Puissé-je être aimé de celle que j’aime, aussi vrai que je ne mens pas ! Mais tu ne m’as encore rien dit de ta commission.

CHARANÇON. Je n’apporte rien.

PHÉDROME. Perdu !

CHARANÇON. Bah ! retrouvé, si l’on m’aide. Je pars d’après vos ordres, j’arrive en Carie. Je vois votre ami, je le prie de vous procurer de l’argent. Il aurait bien voulu vous être agréable, il n’a pas usé de défaites, il s’est montré comme un ami qui serait heureux d’obliger son ami, et m’a répondu en peu de mots, mais en toute franchise, qu’il était comme vous fort à court.

PHÉDROME. Tu m’assassines avec ton récit.

CHARANÇON. Eh non, je vous sauve et vous vous sauvez. Sur cette réponse, je le quitte et m’en vais sur la place, regrettant d’avoir fait un voyage inutile. Tout à coup j’aperçois un militaire, je l’aborde, je le salue. Il me rend mon salut, me prend la main, me tire à l’écart, et me demande ce que je suis venu faire en Carie. Je réponds que je suis venu pour mon plaisir ; et lui alors de s’informer si je ne connais pas à Épidaure le banquier Lycon. « Oui vraiment, lui dis-je. — Et Cappadox, le pourvoyeur ? — Oh ! je lui ai fait plus d’une fois visite. Mais que lui voulez-vous ? — Je lui achète une jeune fille pour trente mines, avec sa garde-robe et ses bijoux, pour lesquels j’ajoute dix mines. — Avez-vous donné l’argent ? dis-je. — Non, il est chez le banquier, chez ce Lycon dont je vous ai parlé, et je lui ai enjoint de faire remettre par Cappadox, à la personne qui lui apportera .une lettre scellée de mon cachet, la jeune fille, les bijoux et la garde-robe. » Quand j’ai entendu tout cela, je m’éloigne ; il me rappelle à l’instant et m’invite à souper. Je me serais fait scrupule de refuser. « Ça, dit-il, si nous allions nous mettre à table ? » La proposition était de mon goût. Je ne suis pas homme à reculer en plein jour, non plus qu’à faire tort à la nuit. Le repas était prêt ; nous voilà bientôt attablés. Quand nous avons bien mangé et bien bu, mon homme demande des dés. Il me défie, j’engage mon manteau, lui son anneau, et il invoque Planésie.

PHÉDROME. Celle que j’aime ?

CHARANÇON. Un peu de silence. Il jette, il fait beset. Je prends les dés, et j’invoque ma chère nourrice ; j’amène, ma foi, le coup royal. J’offre à mon homme une grande-coupe ; il la vide