Page:Plaute - Comédies, traduction Sommer, 1876, tome 1.djvu/339

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LYCON. À moi ?

CHARANÇON. Oui. Prenez, et examinez le cachet. Le reconnaissez-vous ?

LYCON. En effet : un homme couvert d’un bouclier, et qui pourfend un éléphant avec son épée.

CHARANÇON. Il m’a dit de vous prier de faire ce qu’il vous écrit là, si vous voulez l’obliger.

LYCON. Reculez-vous un peu, que je voie ce qu’il m’écrit.

CHARANÇON. Volontiers, à votre aise, pourvu que je reçoive ce que je viens chercher.

LYCON. « Le militaire Thérapontigone Platagidore, à Lycon son hôte d’Épidaure, salut. »

CHARANÇON, à part. Je le tiens : il mord à l’hameçon.

LYCON. « Je vous prie instamment de faire remettre à celui qui vous apportera cette lettre la jeune fille que j’ai achetée dans votre ville, en votre présence et par votre intermédiaire, avec ses bijoux et sa garde-robe, comme vous savez que cela a été convenu. Donnez l’argent à l’entremetteur, et la jeune fille au porteur.» Où est-il, lui ? pourquoi ne vient-il pas ?

CHARANÇON. Je vais vous dire : nous sommes arrivés il y a quatre jours de l’Inde en Carie, où il veut faire élever en or de Philippe une statue massive, de sept pieds de haut, monument de ses exploits.

LYCON. Comment cela ?

CHARANÇON. Je vais vous dire : Perses, Paphlagoniens, Sinopéens, Arabes, Cariens, Cretois, Syriens, Rhodes, la Lycie, la Pérédie, la Perbibésie[1], la Centauromachie[2], la tribu unitétonienne[3], la Libye, toute la côte de Contérébromie[4], enfin la moitié de toutes, les nations du monde, il a tout soumis, seul, en vingt jours.

LYCON. Bah !

CHARANÇON. Qu’est-ce qui vous étonne ?

LYCON. C’est que quand on les aurait mis tous dans une cage, comme des petits poussins, encore n’aurait-on pu en faire le tour en un an. Mais par ma foi je crois sans peine que vous venez de sa part, vous êtes assez hâbleur.

  1. C’est-à-dire le pays des mangeurs (peredere) et le pays des buveurs (perbibere).
  2. C’est-à-dire la Thessalie, patrie des centaures.
  3. Les Amazones.
  4. C’est-à-dire le pays du bon vin (de conterere, fouler, et de Bromius, surnom de Bacchus).