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me raser la tête, et coiffer mon crâne chauve du bonnet d’affranchi[1].


SCÈNE II. — MERCURE, seul.

Allons, voilà ce qui s’appelle faire merveille. J’ai éloigné d’ici ce fâcheux personnage, et mon père peut à son aise caresser son amie. Quand le rustre aura rejoint là-bas Amphitryon son maître, il lui racontera comment un esclave du nom de Sosie lui a barré l’entrée de la maison : l’autre ne donnera pas dans la bourde et croira que, malgré son ordre, il n’est pas venu ici. Je veux les embrouiller à leur faire perdre la tête, eux et toute la maisonnée, jusqu’à ce que mon père en ait assez de la belle : alors chacun sera mis au courant de toute l’affaire. Jupiter finira par réconcilier Alcmène avec son mari : car Amphitryon va bientôt venir faire vacarme à sa moitié, qu’il accusera d’être infidèle ; mais mon père apaisera tout ce bruit. Quant à Alcmène, je ne vous ai pas dit, je pense, qu’elle accouchera aujourd’hui de deux fils jumeaux : l’un naitra juste dix mois après la conception ; l’autre viendra au septième mois. Le premier est d’Amphitryon, le second de Jupiter. Ainsi le cadet appartient au plus grand, et l’aîné au moindre des deux pères. Vous avez compris, n’est-ce pas[2] ? Mon père a voulu, pour l’honneur d’Alcmène, qu’il n’y eût qu’un accouchement : le même travail la délivrera de son double fardeau, elle ne sera pas soupçonnée d’infidélité, et nul ne pourra découvrir le pot aux roses. Pourtant, comme je l’ai dit, Amphitryon saura toute l’histoire ; eh bien, après tout, on ne peut en vouloir à Alcmène, et il serait bien mal à un dieu de laisser retomber sur une mortelle les suites de sa propre faute. Mais bouche close, la porte a crié. Voici venir l’Amphitryon de contrebande avec son épouse d’emprunt.


SCÈNE III. — JUPITER, ALCMÈNE, MERCURE.

JUPITER. Adieu, mon Alcmène ; continue d’avoir bien soin de la maison. Et ménage-toi, je t’en prie ; tu vois que ton

  1. Les esclaves que l’on affranchissait se faisaient raser les cheveux.
  2. Ces mots s’adressent aux spectateurs.